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Interview de René Capain Bassène: « Pas d’avancée dans le processus de paix »

Interview de René Capain Bassène: « Pas d’avancée dans le processus de paix »

A la suite du discours du président de la république prononcé à la veille de la fête  de l’indépendance du Sénégal, nous avons recueilli l’avis de Monsieur René Capain Bassène qui encore une fois demeure un des meilleurs parmi les observateurs avertis du conflit casamançais.

Monsieur René Capain Bassène ; comment appréciez vous le discours du Président Macky Sall par rapport à la question du processus de paix en Casamance ?

 Je suis resté sur ma faim ; je croyais que la Casamance allait être un sujet majeur au cœur de son allocution, surtout à la suite de son séjour en Casamance.

Le président Macky Sall a parlé de la Casamance en disant qu’il est décidé d’accompagner la paix à travers le PPDC. Il a dit exactement et je le cite : « Dans mon message du 31 Décembre dernier, je vous ai entretenu des projets et initiatives du Gouvernement en matière de développement économique et social. Je viens de lancer le Pôle de développement de la Casamance pour accompagner  la dynamique de paix. ».  Le président n’a pas parlé de processus de paix, mais d’accompagner la dynamique de paix à travers le PPDC comme si au moment il prononçait son discours le processus de négociation a connu une avancée très positive au point de lui trouver des mesures d’accompagnement et de consolidation.

Vous semblez ne pas être d’accord avec le terme « accompagnement de la paix » utilisé par le président. Si oui pourquoi ?

En effet, je ne partage pas ce terme comme vous l’avez si bien dit. je ne partage pas ce passage de son discours où il évoque le PPDC comme instrument d’accompagnement de la paix si je peux me résumer ainsi.

Pour ce qui concerne le processus de paix, je crois que le Président est mal informé de la situation. Apparemment ses conseillers lui ont fait croire que tout va bon train et c’est peut être ce qui fait qu’il a parlé du processus comme si on était à un niveau où des acquis très importants sont enregistrés et dont il est important et opportun d’accompagner à travers un grand projet de développement pour améliorer les conditions de vie des populations qui par ailleurs demeurent les principales victimes du conflit. Mais ce que les autorités semblent ignorer c’est que le conflit casamançais n’est pas uniquement engendré par une frustration née d’un quelconque sous développement de la Casamance. Donc vouloir soigner le mal par uniquement le développement peut contribuer à soulager les douleurs, mais pas à guérir la plaie.

Vous voulez dire que le développement ne peut à lui seul résoudre le problème de la crise en Casamance ?

Pour répondre à votre question, je vais citer Monsieur Robert Sagna qui est un parmi les acteurs et observateurs de la crise en Casamance les plus connus : il a dit en répondant à une question sur les origines de la crise et je le cite : « Quand vous discutez avec le MFDC et que vous faites l’étalage de toutes les réalisations du gouvernement, vous sentez qu’ils sont très peu sensibles à cela. Il y a comme dans la plupart des conflits un malentendu à lever. Je me rends compte que ce ne sont point les investissements qui les préoccupent. Il y a un malentendu qui procède très souvent de l’ignorance de l’autre, de la perception que l’autre a de lui même et de celle qu’on a de lui. Bref ! Le fameux mépris culturel. Quand on regarde de prés, paradoxalement on se rend compte que les gens du MFDC se battent pour qu’on reconnaisse leur sénégalité. Car ils ont l’impression qu’ils sont exclus. Voilà le grand paradoxe ». Et j’ajouterai pour renforcer Robert Sagna en disant que les questions de développement, de désenclavement, de construction d’infrastructures sont des arguments qui sont venus assez tardivement se greffer aux griefs des revendications du MFDC vis-à-vis du Sénégal. Je termine mon intervention sur ce point en disant qu’à mon humble avis seuls des négociations sincères entre les deux parties pourraient nous amener à une paix durable.  Une paix que des actions de développement viendraient aider à consolider à non à instaurer. Comment peut-on  préconiser le développement de la Casamance au moment où il est encore impossible de poursuivre les opérations de déminage ? Au moment où il est encore interdit de construire de pistes de productions dans le Niaguis ? Au moment où les belligérants sont chacun dans ses bases et cantonnements ; au moment où certains bailleurs intervenant en Casamance se sont fixés ou imaginés des zones dites rouges où il est impossible selon eux d’intervenir etc… Est –t-il réellement possible d’opérer des actions de développement sans la paix et la stabilité comme préalables ? Faut –il forcer le développement ? Voici autant de questions que je ne cesse de me poser.

Monsieur Bassène, vous semblez ramer à contre courant du président de la république en préconisant les négociations à la place du développement comme solution à la crise. Pouvons nous savoir pourquoi insistez vous tant sur la tenue de négociations ?

Ce n’est pas je cherche à contredire ou à ramer comme vous le dites à contre courant du président de la république à qui , je voue un très grand respect et une grande considération pour tout ce qu’il représente pour le Sénégal. Mais c’est parce que, je  me suis juste inscrit dans une dynamique de logique par rapport aux différentes déclarations des belligérants. Aussi bien les autorités sénégalaises que les différents chefs de factions du MFDC se sont dits disposés et engagés pour  dialoguer autour d’une table. Et à ce que je sache dialogue veut dire négociation dans ce contexte précis.

Je suis un peu déçu de constater que deux ans après, ses déclarations en faveur du dialogue qui avaient suscité un immense espoir auprès de l’opinion sont hélas restées que de simples et pures déclarations d’intentions. En réalité le processus de paix est depuis deux ans au point mort. Il n’a connu aucune avancée significative. Il n’y a aucun acquis sur lequel on pourrait fonder le plus petit espoir d’un retour à la paix en Casamance. Rien n’a bougé pour me résumer.

Nous ne sommes pas d’accord avec vous qui à travers vos propos paraissez très catégorique par rapport à la non avancée du processus de paix. Nous considérons qu’il y a bel et bien quelques acquis dont entre autre, la libération des otages militaires par Salif Sadio et des démineurs par César Atoute Badiate. Voici des signaux qui nous font dire que des choses sont entrain d’être négociés en douce loin des oreilles et  des yeux des populations.

C’est vous qui m’apprenez que des choses sont entrain d’être négociés en douceur. Mais je vous dirai au risque de vous décevoir que rien n’est entrain d’être négociés et que rien n’est obtenu au cours d’une quelconque négociation dans le cadre du processus de paix que l’on pourrait brandir comme acquis. Les populations sont mal informées, des gens essayent de les tromper en leur faisant croire qu’ils sont entrain de négocier avec le MFDC alors qu’il n’en est rien. D’ailleurs pour la plus part, ils n’ont aucun contact direct avec les combattants et le MFDC de manière générale. Les rares acteurs qui parviennent de temps à autre à rencontrer certains chefs de la rébellion ne sont toujours pas parvenus à obtenir quelque chose de « consistant » qu’on pourrait qualifier d’acquis. Ils travaillent pour eux-mêmes et livrent de faussent informations aux autorités sur des résultats qu’ils auraient obtenus dans le cadre de leurs démarches en faveur de la paix.

Pour revenir à ce que vous avez dit sur les libérations des otages, je vous renvoie au discours de Salif ainsi qu’à celui de César Atoute lors des cérémonies de libération. Ils ont tous déclaré que le fait de libérer les otages ne signifie pas la fin de la guerre, mais que c’est un geste humanitaire et une façon de réaffirmer la volonté de chaque faction d’aller à la table de négociations avec le gouvernement du Sénégal. Et moi j’ajouterai en disant que c’était des événements malheureux négociés de façon ponctuelle et ayant connues une issue heureuse et que je ne considère pas comme un fruit du processus de paix qui a un autre contenu.

Vous voulez dire que rien n’est acquis par les facilitateurs et médiateurs malgré leurs multiples rencontres avec le MFDC suivies de déclarations  à travers la presse ?

Je crois l’avoir déjà dit plus haut qu’aucune avancée significative n’est notée dans le cadre de la recherche de la paix. Sur le terrain, le processus de déminage est suspendu sine die, dix pistes sont encore interdites de construction le long de la RN6, le Zircon interdit d’exploitation etc. Dites moi où se trouvent ce que vous qualifier d’acquis ou avancées par rapport à la recherche de la paix.

Certes qu’il existe encore quelques blocages, mais les négociateurs sont parvenus à convaincre le MFDC à déposer les armes d’où cette accalmie notée depuis deux ans et qui permet aux populations de développer certaines activités de développement et d’amorcer le retour des réfugier vers leurs localités d’origine?

Je ne nie pas qu’il est noté une accalmie sur le terrain. Je souhaite qu’elle perdure car les populations ont besoin de tel climat pour vivre tranquilles et heureuses. Mais je ne suis pas d’accord avec vous que cette accalmie soit le fruit d’une quelconque négociation qu’aurait menée un ou des groupes de médiateurs ou facilitateurs auprès du MFDC. Il n’y a eu aucun accord de cessez le feu qui a été signé entre les deux parties. Cette accalmie ne repose sur rien de concret sinon que sur la volonté ou l’obligation pour le MFDC de déposer les armes et de faire régner un climat de stabilité pour rester en phase avec sa déclaration d’aller à la table de négociations. Le mouvement ne peut pas prétendre être disposé à négocier et continuer à mener des activités de combats. Ce serait une très grande contradiction de la part du MFDC aux yeux de l’opinion. Voici en résumé ce qui explique cette accalmie. Mais ce n’est pas encore une fois le résultat d’une démarche et d’une quelconque médiation de la part des messieurs Casamance.

 Monsieur Bassène, à vous écouter ; on est tenté de dire que malgré l’accalmie, il n’y a aucune avancé concernant le processus de paix en Casamance. C’est bien ce que vous avez dit ?

Oui c’est bien cela. C’est ce que j’ai dit et je ne cesserai de le répéter que le processus de paix est au point mort depuis deux ans. Il n’y a aucune avancée sinon comment expliquerez vous le dialogue de sourd et par presse interposée entre le président de la république qui dans un discours a invité le MFDC à la paix des braves et César Atoute Badiate qui de son côté a invité récemment le gouvernement du Sénégal à la table des négociations pour chercher des solutions a la crise ?  Voici deux propositions totalement discordantes qui témoignent qu’il n’y a encore aucune avancée dans le cadre du processus de paix en Casamance.

Je termine mon propos en disant encore une fois, qu’il ne faut pas qu’on trompe les populations en leur faisant croire que les choses avancent. Je reconnais qu’ils sont nombreux les facilitateurs et médiateurs en faveur de la recherche de la paix, mais aucun d’entre eux n’a obtenu quelque chose de considérable sinon que leur comportement sur le terrain n’a fait que compliquer et retarder les choses. Ils constituent eux-mêmes un facteur bloquant car évoluant et dans un désordre et une maladresse totale.

Interview réalisée par ARDiallo exclusivement pour le Journal du Pays.

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Commentaires (1)

  • atika net

    Communique Des Forces Combattantes Du MFDC:
    Le General Salif Sadio invite as tout Casacais et casacaises a une reunion a Beuipeugue le dimanche 13 Avril 2014 as 10:00 de la Matinee.

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