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Casamance : René Capain Bassène revient sur la visite de Macky Sall les 19 et 20 février 2015 à Ziguinchor.

Casamance : René Capain Bassène revient sur la visite de Macky Sall les 19 et 20 février 2015 à Ziguinchor.

Selon René Capain Bassène, les actes posés par le président Macky Sall lors de son séjour à Ziguinchor les 19 et 20 février 2014  ont plus d’impacts directs sur le plan politique que sur le processus de paix en Casamance.

Interview exclusive pour le Journal du Pays.

Monsieur René Capain Bassène quelle analyse faites vous de la visite du président Maky Sall en Casamance.

C’est une très bonne chose. Je m’en réjouis et je trouve que c’est logique et toujours bien qu’un président de la république voyage de temps à autre à l’intérieur de son pays afin de mieux se rapprocher des ses populations et de mieux appréhender leurs préoccupations pour voir comment mieux les prendre en charge dans le soucis de leur assurer un mieux être.

Le président Maky Sall a annoncé de nombreux projets de développement pour la Casamance quel est votre point de vu ?

Comme tout casamançais, je suis heureux d’entendre le président annoncer des projets importants tels que celui du chemin de fer Ziguinchor- Tamba – Dakar en passant par Kolda. Il contribuera à complètement désenclaver la Casamance, avec une possibilité de voyager par terre, mer et par le ciel à des tarifs assez réduits. Seulement concernant la voie ferrée, c’est un projet dont on ne sait s’il sera réalisé dans le court ou moyen terme car le président n’a pas apporté de précision sur la date démarrage.

Pour les autres actes posés, je me réjouis que ce soit du concret et je cite entre autre dans le désordre, la dotation d’un nouveau scanner à l’hôpital régionale de Ziguinchor même si je considère que c’est une  réaction assez tardive car intervenue plus d’un an après la panne du premier scanner. L’achat de nouvelles machines pour renforcer la capacité de production de la centrale électrique de Boutoute. La réception des deux bateaux pour rendre plus fluide la desserte maritime Ziguinchor – Dakar ; la réduction de moitié du montant du tarif des billets du bateau et la baisse annoncé sur les billets d’avion. La réhabilitation du stade Aline Siitoé Diatta ; la mise a la disposition de 55 bus pour assurer le transporter urbain dans la commune de Ziguinchor etc. Tout ceci va contribuer de manière directe à considérablement améliorer les conditions de vie des populations. C’est des gestes et décisions qui méritent remerciements, encouragements et à félicitations.

Quel sera selon vous l’impact  immédiat de toutes ses réalisations sur le retour de la paix en Casamance ?

A ce niveau je risque de vous décevoir, mais je ne crois pas que ces réalisations puissent avoir un impact direct sur le processus de retour de la paix en Casamance. Je suis de ceux qui défendent la thèse selon laquelle l’origine de la rébellion en Casamance n’est pas une revendication économique, mais plutôt une revendication politique et peut être même  culturelle. Je suis de ceux qui soutiennent la position qu’il faudra plus mettre l’accent sur le volet politique et non économique même s’il est important dans le cadre de la recherche de la paix en Casamance.  A mon avis, la paix et la stabilité sont les fondements capitaux pour toute action de développement durable.

A cet effet, les autorités en lieu et place de se lancer dans des activités de développement devraient aussi chercher à connaitre les réelles motivations de la revendication du MFDC. Je ne crois pas encore une fois que la rébellion soit née à la suite d’une revendication économique.

Si je vous comprends monsieur Bassène vous semblez dire que les actes de développement posés par le président n’ont pas d’impact certain sur le processus de retour de paix en Casamance.

Vous m’avez demandé si les actes posés au cours de son séjour à Ziguinchor auront effet immédiat sur le retour de la paix en Casamance et j’ai répondu à votre question par la négative. Je répète que ce n’est pas une revendication économique qui a engendré la rébellion en Casamance et  je suis le dernier à défendre une telle position. Des observateurs très avertis et qui par ailleurs ont eu à jouer ou continuent à jouer un rôle déterminant dans le cadre du processus  de négociations pour un retour de la paix en Casamance ont également émis la même proposition plusieurs années auparavant.  Je m’en vais à ce propos citer entre autre :

le professeur Assane Seck qui a écrit dans son dernier livre  et je le cite : «… des succès indéniables en matière de désenclavement, de scolarisation et de soins de santé primaire ;

-Un déficit de connaissance réciproque et de dialogue entre administrateurs et administrés provocants des maladresses dans l’action.

-Des frustrations, sources de blessures que tous les casamançais, d’origine ou d’adoption, ont vécues plus ou moins profondément.

  L’entrecroisement de ces faits et situations a conditionné un certain comportement des individus et des foules, aggravant les particularismes, tandis que les moindres incidents locaux prenaient une coloration ethnoculturelle. S’il y a un domaine où les hommes n’hésitent pas à faire face, même parfois au prix de leur sang, c’est bien celui des agressions contre leur terres, leurs croyances profondes et leur patrimoine culturel, dont le vécu conditionne leur équilibre en tant qu’humains : inférioriser l’ethnie, la religion et la culture d’un sujet par le « mépris culturel », c’est entreprendre de détruire les fondement de sa personnalité profonde et donc courir le risque de créer un « résistant », voire un rebelle. Chacun  sait, en effet que ce mépris cherche à inférioriser l’autre pour mieux l’assujettir et le dominer dans la lutte pour la vie. Pour autant, on ne pouvait pas légitimer que le « bébé fut jeté avec l’eau du bain  ».

-Robert Sagna : «  Il est essentiel qu’on aborde ces questions là. Quand vous discutez avec le MFDC et que vous faites l’étalage de toutes les réalisations du gouvernement, vous sentez qu’ils sont très peu sensibles à cela. Il y a comme dans la plupart des conflits un malentendu à lever. Je me rends compte que ce ne sont point les investissements qui les préoccupent. I l y a un malentendu qui procède très souvent de l’ignorance de l’autre, de la perception que l’Autre a de lui même et de celle qu’on a de lui. Bref ! Le fameux mépris culturel. Quand on regarde de prés, paradoxalement on se rend compte que les gens du MFDC se battent pour qu’on reconnaisse leur sénégalité. Car ils ont l’impression qu’ils sont exclus. Voilà le grand paradoxe »

-Feu omar Diatta dans son livre a rapporté à cet effet le témoignage de  feu Mamadou Dia : « Le problème de la Casamance est un vieux problème. Déjà sous la colonisation, nous l’avions perçu, c’est un problème spécifique qui remonte à très loin. Je rappelle que déjà lorsque nous avions créé le BDS, Senghor et moi avions maille à partir avec les dirigeants casamançais, mais ils avaient créé le MFDC, qui se voulait autonomiste. Il nous fallut livrer une lutte épique, faite de doigté et de ressources de dialogue pour les convaincre d’intégrer le BDS. Mais, malgré cela, ce sentiment autonomiste n’a jamais disparu. Il a toujours affleuré dans la conscience de certains leaders…

A l’occasion du référendum de 1959, il y a eu des tentatives de collusion entre certains leaders casamançais et ceux du PAIGC et de la Gambie. Il nous fut très difficile de les convaincre, mais tout de même, on  y est arrivé et pour ce faire, il nous a fallu beaucoup de diplomatie »

-Jean Claude Marut : « Contrairement à ce que laisse entendre les discours séparatistes, la Casamance est tout sauf abandonnée : ce dont souffre la région, ce n’est pas d’un manque d’intérêt mais au contraire d’un excès d’intérêt qui n’a d’égal que le peu d’intérêt accordé aux autochtones.  Loin d’exprimer un refus de l’ouverture, la mobilisation met en cause les conditions de cette ouverture, où le responsable, pour eux, prend la figure de l’Autre. L’Autre c’est l’étranger à la région, le plus souvent un Nordiste, qu’il soit bénéficiaire ou distributeur de nouvelles ressources.

C’est le colon qui plante un verger sur un terrain donné par un marabout, c’est un marabout lui-même à qui ce terrain a été distribué, c’est le pécheur toucouleur qui obtient des droits de pêche, ou le charbonnier guinéen qui obtient un terrain à construire. Autant d’attributions d’espaces ou des droits d’exploitation perçues comme des injustices par des autochtones qui en sont pour la plupart exclus et qui en sont parfois directement victimes lorsque ce sont leurs propres biens fonciers souvent sans titre de propriété qui sont réaffectés, et qu’ils sont déguerpis.

Mais l’autre, c’est tout autant le fonctionnaire qui délivre le titre de propriété ou l’autorisation d’exploitation à des clients du pouvoir en place. Un fonctionnaire le plus souvent nordiste, ignorant des langues et des cultures locales, et qui ne voit dans les diolas que des citoyens de seconde zone, des buveurs de vin de palme attachés à leurs bois sacrés et rétifs à tout progrès.

 Tout autant que l’exclusion des ressources, ce regard de l’Autre, ce regard inégal, contribue à construire une identité casamançaise qui inverse la hiérarchie des valeurs. Chacun la décline à sa manière, qu’il soit peul, diola ou manding, mais tous se sentent et se disent casamançais. Riziculteurs et hommes de la forêt, les Diola se disent pour leur part  n’avoir rien en commun avec les hommes de la savane et aux Nordistes perçus à leurs yeux comme arrogants et menteurs, ils décrivent le casamançais comme étant un homme honnête et courageux. Même si elle ne débouche pas toujours sur la revendication d’une rupture car certains casamançais estiment plus raisonnables de maintenir l’unité sénégalaise, ces affirmations identitaire sonnent comme le langage politique, où l’on peut lire autant une quête de reconnaissance que le souci de créer du lien social. C’est ce dont  l’Abbé Augustin Diamacoune Senghor, prêtre catholique du diocèse de Ziguinchor a témoigné à sa façon en construisant de toutes pièces une histoire de la Casamance qui deviendra la bible de la rébellion ; par ce procédé, il comble ainsi les silences d’une histoire officielle accordant une grande part aux héros Nordistes, wolof, toucouleur et musulmans.

Radicalisant de façon progressive sa position, il va jusqu’à prédire, en 1980, une séparation entre la Casamance et le Sénégal.

 En fait ce qui est fondamentalement en cause ; et qu’exprime à sa manière la surreprésentation identitaire, c’est la sous représentation politique : à aucun moment, les élus casamançais ne se font les interprètes de leurs mandants, sinon pour solliciter une meilleure représentation dans l’appareil d’Etat ( pour ceux de la majorité) ou pour se faire élire (pour ceux de l’opposition).Associé au rejet des nordistes   et du pouvoir dakarois, le rejet populiste des élites casamançais jugées coresponsables aussi bien des problèmes que de leur non règlement, va être l’un des thèmes porteurs du discours séparatiste.

De ce fait, ce que les mobilisations populaires mettent en question, c’est la légitimité de l’Etat à travers ses deux piliers idéologiques et politiques que constituent l’Etat nation et la démocratie représentative ».

Et leur propos sont renforcés par ceux de l’abbé Diamacoune considéré comme le théoricien du MFDC et Nkrumah Sané l’un des principaux organisateurs de la marche du 26 décembre 1982 et  principal  acteur de la naissance de Atika l’aile combattante du MFDC.

En effet, le samedi  23 Août 1980, l’abbé Diamacoune profita d’une conférence sur la reine Aliine Sitoé Diatta organisée par le Comité d’organisation pour le Carnaval de la Ville de Ziguinchor à la Chambre de commerce de Dakar pour définir sa position et diffuser ses idées de séparation de la Casamance qu’il considère comme un territoire différent du reste du Sénégal. Il déclara :

 « … Aliinsitowé est partie, mais la lutte continue d’une façon ou d’une autre jusqu’à la victoire totale et définitive. Donc  La Casamance aux Casamançais, tous les étrangers dehors »

Le 23 juin 1956 : promulgation de loi cadre des territoires d’outre-mer votée le 20 juin 1956, consacrant l’autonomie interne de ces territoires. L’indépendance nationale se profile à l’horizon.

Le 28 septembre 1958 : référendum. La Guinée française accède à la souveraineté internationale. Le canot casamançais vogue vers le port de l’indépendance toujours remorqué par le cotre sénégalais.

En 1960, la pirogue sénégalaise mouille au port de l’indépendance nationale avec la nacelle casamançaise indocile et capricieuse au gré des vicissitudes, des flots et des tempêtes de l’histoire.

Ces jalons historiques étant posés, nous pouvons constater que la domination coloniale ne s’est jamais exercée sans mal en Casamance ; mais, une fois l’indépendance nationale acquise dans le contexte sénégalais, pouvons –nous conclure à la mort soudaine de la résistance casamançaise âgé de 315 ans ? La question reste posée. L’histoire nous donnera la réponse. Ce que je sais quant à moi, c’est qu’il existe des réveils qui font trembler le monde.

Nos ancêtres peuvent être fiers de la lutte glorieuse qu’ils ont si bien longtemps menée contre les puissances coloniales. La Casamance peut à bon droit, avec l’apôtre Paul s’écrier : « Bonum certamen certavi ». « J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat » (2é lettre de saint Paul à Timothée, chapitre 4 verset 7).

Nkruma de donner des explications historiques à la revendication casamançaise en affirmant :

« Tout est parti de la conférence de Bamako qui  était convoquée par le  leader ivoirien  Félix Houphouët Boigny  pour débattre sur deux sujets :

Si l’Afrique de l’Ouest ( l’AOF ) devait partir à l’indépendance, va- t-elle le faire en fédération ou en confédération ou en Etats séparés, mais l’absence des Leaders Sénégalais a cette rencontre avait empêché de débattre de ces deux sujets parce que c’est Dakar qui devait être la capitale de l’AOF.

Face à cette absence des leaders sénégalais qui étaient Léopold  Sédar Senghor, Mamadou Dia et  Lamine Guéye n’ont pris part à cette conférence de Bamako parce qu’ils étaient tous de la SFIO donc du gouvernement colonial de la France :

Il a été donc décidé de débattre sur une autre structure qu’est la création du RDA, le Rassemblement Démocratique Africain avec la décision que chaque leader adhérant devrait  une fois retourné au niveau de leurs territoires respectifs créer leurs propres mouvements  pour aller à l’indépendance.

Je précise encore qu’aucun leader sénégalais n’a assisté à la naissance du Rassemblement Démocratique Africain à Bamako.

C’est ainsi que leaders casamançais qui avaient assisté à cette conférence de Bamako, une fois rentrés en Casamance ont programmé ce Congrès de Sédhiou qui a donné la création ce Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC)  à l’image de  Séckou Toure qui a crée son PDG-RDA, le 14 mai 1947 en Guinée Conakry et  Modibo Keita  du Mali, qui  lui a gardé le RDA comme Mouvement pour aller à l’indépendance.

 Le  Mouvement a été créé par des hommes et des femmes responsables qui comme, les autres responsables de leurs époques sont conscients des actes qu’ils posaient pour leurs pays respectifs, ils savaient ce qu’ils faisaient donc pour libérer leurs territoires aux mains du colon français, il est illusoire de penser que ces casamançais se seraient trompés de pays en créant ce MFDC chez eux en Casamance, comme d’autres responsables politiques l’ont fait dans leurs territoires respectifs. Et le premier secrétaire Général du MFDC qui malheureusement  n’a pas été assez connu des casamançais est  Victor Sihoumehemba Diatta originaire de Cabrousse. Cela contrairement aux sénégalais qui eux, savaient que  Léopold Senghor était le père fondateur de son Mouvement BDS. Il était licencié en ES Lettres à la faculté de Montpellier en France en 1933. Il a été assassiné le 19 avril 1948 à Dakar avant que Léopold Senghor ne crée son BDS le 27 octobre de la même année et inhumé un an plus tard, le 25 juillet 1949 à Dakar, sa tombe se trouve au cimetière de Bel-Air de Dakar, où était également enterré son fils aîné, Jean Diatta décédé à Paris en 1999 sa tombe se trouve à côté de celle de son père.

C’est ce même mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC)  que j’ai réveillé. C’est moi-même qui suis le premier à contacter les gens très exactement en juin et juillet 1967

Lors de la conférence de Bamako du 8 mai 1960 qui aboutit à la création de la fédération du Mali, c’est Emile Badiane qui a signé pour la Casamance, Mamadou Dia pour le Sénégal et Modibo Kéita pour le Mali. Date de la signature, le 4 avril 1959 à Paris pour la Fédération du Mali et l’élection du premier Président de la fédération du Mali était fixé pour le premier septembre 1960 et le Sénégal a quitté cette fédération en empêchant ainsi l’entée en vigueur cette institution dans la nuit du 20 aout 1960.Donc cette fédération était composée de 3 trois membres: Casamance, Mali et Sénégal.

Après donc l’éclatement de la fédération du Mali, Léopold Senghor a proposé  à la Casamance une sorte de fédération que les gens  ont dénommée « compagnonnage » entre la Casamance et le Sénégal. Elle a été réellement négociée dans la nuit du 20 août 1960 à Rufisque. La délégation casamançaise avait proposé 10 ans, Senghor les a  convaincus d’accepter un compagnonnage de précisément 20 avec le Sénégal, après quoi les Casamançais partiraient, conformément aux accords. C’était alors l’erreur monumentale commise par les dirigeants du MFDC d’accepter la proposition de Léopold Senghor qui était plus visionnaire qu’eux et qui savait que le temps allait être son principal allié contre l’indépendance  de la Casamance ».

Vous voyez que je n’ai rien inventé en disant que la rébellion n’est pas engendrée par suite d’une revendication économique, mais elle est le fruit d’une revendication politique comme l’attestent ces témoignages ci dessus. Et c’est pourquoi encore une fois, je suis d’avis qu’il faut s’attaquer aux  vraies  racines de la crise et qu’une réponse économique sans négociations préalables ne saurait avoir d’effet direct…

Croyez-vous  qu’on  pourra arriver un jour à un règlement politique du conflit ?

Oui j’y crois, il suffit juste pour les deux parties de rendre concret leur désire déclaré de se retrouver autour d’une table de négociations et de discuter de manière responsable sur ces différents points évoqués par les uns et les autres acteurs et que encore une fois, j’ai cité ci dessus.

Monsieur Bassène d’aucuns vous diront qu’on ne peut pas attendre le retour d’une paix hypothétique pour commencer à mener des activités de relance des activités économiques et sociales que répondez vous ?

Ce discours est nouveau, il est apparu suite à la relative accalmie constatée sur le terrain à partir de l’an 2000. Il n’existait pas pendant les années de braises, je veux dire pas avant  2000. Tous nous avons en mémoire qu’en Casamance surtout dans certaines parties de la région de Ziguinchor il était totalement impossible d’y entreprendre des activités de développement à cause des affres de la guerre.

Et je précise que parmi ceux qui aujourd’hui prônent pour le développement même sans accord de paix ni même de cessez le feu préalable, aucun de ces acteurs n’osait s’aventurer par exemple à  Effock, Youtou, Essoukoudjack, Guidel, Kassoulou, le Feu, Toukara etc pour prétendre y mener une activité de développement. Nul ne s’y serait aventuré même s’il bénéficiait d’un financement de plusieurs centaines de milliards. Mais de nos jours, avec l’accalmie dont j’ai parlé, avec le retour des populations et surtout des bailleurs de fonds, des voies s’élèvent pour dire qu’on ne peut pas attendre le retour de la paix pour mener des activités de développement. Et pour convaincre leurs bailleurs, ils motivent leurs argumentations en soutenant que le développement va contribuer au retour de la paix. Par surprise, ce sont paradoxalement ces mêmes acteurs qui refusent d’intervenir dans certaines localités qu’ils ont baptisé de zones rouges parce que jugées pas sécurisées.

Et en réalité, ces acteurs ne sont pas entrain de mener des activités de développement, mais d’aider timidement les couches vulnérabilisées par le conflit à se réinsérer.

En Casamance les intervenants font tous la même chose : aider à construire et à couvrir des maisons, construire des ou réhabiliter des pistes de productions, des salles de classes, des maternités et des dispensaires, financer le maraichage, foncer des puits et un peu dans l’électrification solaire.

Ce n’est pas du développement. Dans certaines localités les populations ont encore peur de s’adonner à l’élevage de bovins, porcins ou caprins, d’aller cultiver leurs terres et exploiter leurs vergers tout simplement parce que la guerre n’est pas encore finie.

Le taux de chômage est assez élevé surtout au niveau des jeunes car il n’y a pas de projet ou programme qui dans sa mise en œuvre leur offre des emplois stables.

Revenons à la visite du président Maky Sall qui a pris une option de développer la Casamance et particulièrement de relancer le tourisme qu’en dites- vous monsieur Basséne.

C’est une bonne initiative. La relance du tourisme va créer des emplois et aura des retombées tres positives sur les populations. Mais convenez avec moi que le tourisme ne peut prospérer dans une zone où il n’y pas de stabilité et de paix durable. Je rappelle que  la guerre n’est pas finie et pour preuve il y a le fait qu’aussi bien l’armée et les combattants sont toujours implantée dans leurs bases, que le MFDC s’oppose a certaines activités de développement  telles le déminage et la construction de pistes de productions etc. Sans accords de paix préalables…

Si on se lance dans une dynamique de développement sans paix préalable, cela risque d’avoir des conséquences énormes sur les promoteurs d’hôtels et autres sites d’accueil. Je ne le souhaite pas, mais si les hostilités arrivaient à reprendre au moment où un promoteur a fini de construire et d’équiper son hôtel qu’adviendra-t-il ? Il n’aura plus de client et son infrastructure peut même être détruite par les obus ou simplement dégradé par manque d’entretien parce que abandonné. Pour les pistes c’est pareille, on peut en construire mais avec le risque qu’elles soient minées en cas de reprise des combats ; bref c’est pour dire que pour moi, la paix est le principal gage de tout développement. Sans la paix il n’y aura pas de libre circulation des personnes et des biens.

Vous voulez donc dire que c’est prématuré de parler de développement durable en Casamance ?

Oui, il faut plutôt chercher d’abord comment arriver à une paix durable. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. La Casamance n’était pas la région la moins développée du Sénégal avant l’éclatement de la crise. Mais de nos jours elle fait partir des dernières régions du pays en terme de développement parce que retardé par le conflit. Et c’est une guerre qui perdure toujours.il faut chercher a connaitre les causes pour leur trouver une solution négociée.

Vous ne croyez pas en l’accalmie ?

Je me félicite de cette accalmie, mais je reste perplexe quand à ce qu’elle renferme car malgré le dépôt armes ; il est interdit la poursuite du déminage humanitaire et la construction de piste. C’est une accalmie qui ne repose sur rien ; sur aucun engagement officiel de la part des belligérants  qui continuent toujours d’occuper chacun ses positions. Je suis étonné que bien qu’on ignore les motivations de cette accalmie, de constater que sur le terrain chaque acteur prétend y avoir  apporté sa contribution. Ils en sont fiers et je les comprends. Pour ma part, je me félicite de cette situation comme je viens de le dire mais de manière très limitée. Je serai dans une joie immense quand on arrivera à l’idéal qui est de parvenir à une paix négociée et durable. Et je prie toujours le Bon Dieu qu’on arrive vite à ce stade et qu’il m’accorde le bonheur de vivre ce moment de retour de la paix en Casamance.

Quand tout sera fini et que les combattants regagnent leurs familles et les militaires leurs casernes, on pourra construire des routes, des pistes de productions pour faciliter l’évacuation des produits des populations vers le port de Ziguinchor où ils seront embarqués vers Dakar par les navires Aguéne ou Diambogne, par le train etc… on pourra effectuer le déminage total de la Casamance et permettre aux paysans de retrouver leurs terres et aux planteurs de tranquillement exploiter leurs vergers, aux éleveurs de pouvoir reprendre leurs activités. On pourra alors relancer les activités économiques et sociales en Casamance à travers des projets et programmes structurants avec la construction de grandes infrastructures telles qu’un port et un aéroport internationaux, des industries de transformation de produits naturels.  De  façon générale c’est dans la paix et la stabilité que les populations pourront mener des actions de développement sans solliciter voir exiger la présence de l’armée comme c’est le cas dans certaines localités.

En définitive on retiendra que pour vous la paix passe avant le développement et si c’est le cas est ce que les actes posés par le président Macky Sall sont sans effet ?

Je ne l’ai jamais dit. Je répète que ces actes n’ont pas d’impact direct sur le processus de retour de la paix. C’est ma modeste conviction et je crois vous avoir expliqué le pourquoi. Je ne suis pas contre le développement et d’ailleurs je ne crois pas qu’il y a quelqu’un qui en soit  contre. Je suis content de savoir que je pourrai désormais regagner tous les jours  Dakar par  bateau avec tarifs très abordables, voyager par la route sans plus revivre de tracasseries au niveau de la Gambie, suivre les matchs du Casa sport à Ziguinchor dans un stade entièrement réhabilité et/ou reconstruit, vivre moins de délestages ;et avoir la possibilité de pouvoir faire un scanner  ou une dialyse en cas de maladie etc..

Cependant ces réalisations très positives ont à mon avis  plus d’impact à effet immédiat sur le plan politique que sur le processus de paix. Contrairement à 2012,  le président Maky Sall ne se fondera pas en 2017 sur des promesses pour demander le suffrage des casamançais, mais sur un bilan de plusieurs réalisations concrètes et indéniables. Le président Maky  Sall a frappé un grand coup et les actes qu’il a posés lui apporteront un gros bénéfice politique en Casamance au détriment de ses opposants. Il a déroulé une véritable opération de communication politique et de charme à l’endroit des casamançais à travers cette visite que je qualifie politico-économique, surtout que cette fois ci, toutes les différentes étapes de sa visite ont été très fortement médiatisées et à temps réel. C’est stratégique car s’il attendait jusqu’en 2016 pour le faire, ce serait flagrant  qu’il est entrain de mener une campagne électorale déguisée…

Mais son coup sera plus ravageur si d’ici 2017 il parvenait à placer la Casamance sur la voie irréversible vers la paix à travers un contact direct et franc avec le MFDC. Il peut y arriver car la situation lui est encore favorable avec l’accalmie et la volonté du MFDC dans toutes ses composantes de négocier avec l’Etat pour trouver une issue heureuse et rapide au conflit.

Votre dernier mot Monsieur Bassène ?

C’est éternellement d’inviter les deux parties au dialogue afin de trouver une solution de sortie de crise. Le conflit n’a que trop duré et  il est entrain de considérablement retarder le développement de la Casamance et du Sénégal de façon générale. Je termine par dire qu’à mon avis c’est la paix qui doit précéder toute activité de développement et non que ce soit le développement qui va engendrer la paix. Les autorités doivent avoir une oreille plus attentive aux revendications du MFDC, les étudier et voir comment les remédier le plus vite possible.

Interview réalisée par ARDiallo

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Commentaires (7)

  • abotetamol

    Merci René Capin. Encore une fois tu as étalé toute ta grande classe et avec une modestie qui ne fais que confirmer ta clairvoyance et ton pragmatisme à travers cet interview. J’ai comme beaucoup de tes lecteurs appris à mieux connaitre la genèse du MFDC et partage votre conviction que le développement de notre chère Casamance ne se fera durablement sans paix.
    Les actes du Présidents sont à louer mais il perd de vue l’essentiel à savoir des négociations avec les véritables acteurs et responsables du MFDC. La paix et le développement de notre chère Casamance ne se bâtiront que sur les chantiers d’un dialogue franc, une reconnaissance de la vérité historique de la Casamance.
    Merci Fumouneu!
    Vive la Casamance!

  • Bantankouro

    Mr Capain doit continuer son travail et je le soutiens. Car plusieurs casaçais, intellectuels se disent t-ils ne s’interessent pas à leur terre, de leur identité, de leur culture, de leur histoire. Lui au moins dit ce qui et n’est pas un déraciné. J’apprécie sa neutralité c’est cela qui mérite respect. Ici à Sédhiou nous sommes très fiers du renouveau en Casamance. Je reste persuadé que c’est par l’information juste que la prise de conscience sera assurée au niveau des populations. J’attends avec patience sa prochaine sortie sur le JP.

  • samboune

    En cas , je suis d’avis avec Awagna que RCB est l’un des meilleurs observateurs de la crise. ce qui me plait en lui c’est qu’il ne parle jamais pour parler, il prend toujours soins de relater des faits ou de citer des acteurs. Cela prouve qu’il maitrise et qu’il a pris soins de beaucoup se documenter sur la crise. son analyse est tres coherente. Il a tout dit. meme ceux qui disent qu’il na pris pris compte de la pression internationale. il en a parlé en disant que l’Etat doit songer à chercher a comprendre les vraies motivations de la crise. et pour cela il a cité des declarations d’acteurs assez impliqués dans la recherche de la paix. c’est des preuves qu’on ne peut pas nier. quant a la communauté internationale elle doit desormais comprendre que la paix en casamance ne peut provenir que d’un reglement politique.
    René capain bassene est entrain de faire avancer les debats. il n’hesite pas a donner son point vu sur bcp de sujets et le fait de maniére objective. il est impartial. c’est unvrai observateur. Tout le monde sait que sans la paix, pas de developpement…et il a expliqué qu’en casamance il y a des zones rouges, des lignes rouges, presence de l’armée et des factions combattantes du MFDC etc. cela freine tout élan de développement.
    Merci capain de ne pas verser sur des prises de positions, de ne pas entrer dans des débats sterils et de dire les choses telles que tu les « ressente » avec le style et la rigueur qui te caractérise. c’est ce qui fait ta force, ton charme et qui force respect et admiration de la part des lecteurs. mes encouragements meme si je ne te connais que par tes ecris.

  • Teesito

    JE COMPRENDS MIEUX L’HISTOIRE DE LA CASAMANCE ET PERSONNE NE PEUT PLUS ME RACONTER DES HISTOIRES SENEGALAISES A DORMIR DEBOUT. VIVE LE MFDC ET VIVE LA CASAMANCE LIBRE ET INDEPENDANTE

  • kankouran

    rcp n’a pas pris en compte l’intérêt de la communauté internationale pour la casamance comme le souligne aussi Canada ! La pression des sud coréens, des pays-bas, de la chine et des états-unis à forcer les dons vers la casamance a poussé macky sall a se présenter à ziguinchor. la casamance doit remercier l’élan économique de la communauté internationale. merci pour la corée du sud, merci pour les hollandais, merci les USA, merci pour la chine

  • CANADA

    Très intéressant comme interview. Merci à Capain, au JDP et à tous les compatriotes qui lisent et partagent leurs opinions sur ce site. J’ai également pris la peine de lire les différents discours de Macky Sall pour y voir plus claire.
    À la différence de Wade, qui pour détrôner Robert Sagna de la mairie de Ziguinchor a opté de délaisser la Casamance, abandonnant les populations contraintes à la résignation, Macky Sall semble plutôt s’inscrire dans une logique de séduction des populations sur le plan socioéconomique. Certes, le contexte géopolitique a considérablement changé en Casamance. D’une part Macky fait face à une opposition portée par le maire Baldé, toujours crédible au yeux de beaucoup de ziguinchorois. D’autre part, il fait face à la montée en puissance de la mouvance indépendantiste, portée de plus en plus par la population, la jeunesse en premier. En s’inscrivant dans la logique de la séduction des populations, Macky vise à apporter la réponse contre Baldé dans un court terme. Mais surtout, ces gestes concrets très forts à coût de milliards sont inscrits dans la dynamique de contre balancer cet élan de sympathie populaire indépendantiste autour du MDFC, dans un contexte où la communauté internationale est plus présente et intéressée par ce qui se passe en Casamance. Macky prépare ainsi le Sénégal à l’éventualité d’une consultation populaire future.
    Mais comme le soutient Capain et bon nombre d’observateurs avertis sur la question, le problème de la Casamance est plus politique qu’économique. À un problème politique, la solution ne peut être que politique : L’INDÉPENDANCE. Même si la réponse est fâcheuse pour le Sénégal, elle reste tout de même la seule solution juste à la question et pour le bien des populations.

    Vive la Casamance LIBRE!!!!

  • Awagna2000

    René, tu es le seul observateur de la scène casamançaise qui comprend les enjeux et qui à mon avis reste neutre. La visite purement économique de Macky sall laissent ma personne indifférente. JDP vous êtes de vrais fils de la Casamance.Je vous encourage à continuer votre mission.Invicta Felix

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