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Casamance: René Capain Bassène sur la définition de « zone rouge » et de « ligne rouge ».

Casamance: René Capain Bassène sur la définition de « zone rouge » et de « ligne rouge ».

 On entend souvent parler quand il s’agit du processus de reconstruction des infrastructures de bases  et du déminage de l’existence de ‘Zones rouges’ et de ligne rouge. René Capain Bassène a tenté d’apporter une explication à ces deux notions à travers cette interview accordée au Journal du Pays.

Monsieur René Capain Bassène en votre qualité de journaliste et observateur direct du conflit en Casamance, pouvez- vous nous expliquer ce que signifie ‘Ligne rouge et ce qui signifie Zone rouge’ ?

Vous me demandez un exercice assez difficile dans la mesure où c’est un jargon qui n’est pas courant et qui n’est compris que par les acteurs qui l’utilisent.

Néanmoins, je vais essayer de répondre à votre question par d’abord tenter d’expliquer ma compréhension de ce qui est dénommé ‘Zone rouge’ et ensuite ‘ligne rouge’.

Le qualificatif  « Zone rouge » est apparu en Casamance vers les années 2005-2007 au moment où à la suite de la signature de l’accord de paix du 30 décembre 2004, les ONG se sont engagées dans l’appui à la reconstruction des localités directement affectées ou détruites par le conflit ainsi que dans l’aide à la réinsertion des populations réfugiées ou déplacées qui ne pouvant plus supporter les dures conditions d’existence dans leurs lieux d’exil ont décidé volontairement de retourner au bercail.

Le terme « Zone Rouge » est essentiellement employé par certains bailleurs de fonds et acteurs dans la reconstruction en Casamance pour délimiter leur zone d’intervention. Les « Zones dites rouges » constituent les localités où ils refusent d’intervenir pour selon leurs propres explications  des raisons sécuritaires.

Par contre la dénomination « ligne rouge » est un nouveau vocabulaire apparu en 2013 quand il a été question de négocier la poursuite des opérations de déminage en Casamance.

Ce jargon émane du MFDC particulièrement d’Atika son aile combattante et désigne selon le mouvement, la partie ou les localités pour les quelles le mouvement s’oppose à toutes opérations de déminage et de constructions de pistes de productions. ‘Ligne rouge’ pour le MFDC, c’est la zone où Atika a interdit toute intervention tant qu’il n’y aura pas d’accords de paix négociés et signés au préalable avec l’Etat du Sénégal.

Quelles sont alors les particularités de ce qui est dénommé ‘zone rouge et ligne rouge’ ?

A mon avis, les zones rouges sont des localités où il est noté la présence en masse  des populations qui y mènent une vie paisible et normale, alors que la ligne rouge renferme les zones abandonnées par les populations depuis fort longtemps à cause de l’insécurité. C’est également des zones à forte présence militaire parce que pas trop éloignées de certains positions de Atika. Donc à y voir de très prés, le rouge de ligne semble être plus vif que celui des zones (rires).

Quels sont les critères qui définissent une Zone Rouge et une ligne rouge ?

Je ne les maitrise pas du tout. Mais c’est des positions que je ne partage pas. Je disais tout à l’heure que les Zones rouges sont des localités où vivent des populations, mais des populations que les acteurs refusent d’apporter  soutien et appui sous prétexte que ce sont des zones insécures. Je ne sais sur quelle base ils se fondent pour caractériser certaines zones d’insecures. Je trouve cela illogique et discriminatoire à l’égard des habitants de ces zones dites rouges. Le comble est que c’est le plus souvent des populations très nécessiteuses. C’est des gens qui ont le sentiment d’être abandonnés par l’Etat, mais surtout pas les partenaires prives ou autres ONG. Ils ne méritent pas cela. On ne doit pas leur tourner le dos quelle que soit la situation.

 Monsieur Bassène, vous semblez vouloir forcer les acteurs à intervenir dans des localités où il n’y a aucune garantie de sécurité.

Convenez avec moi, que je suis trop petit et que je ne représente absolument rien pour avoir la prétention de forcer les acteurs à intervenir dans ce qu’ils ont appelé ‘zones rouges’.

Mais je voudrais que quelqu’un me dise quelle est la zone la plus sécurisée dans la région de Ziguinchor ? Est ce qu’un accrochage, une mine qui saute, un braquage ou une boutique dévalisée dans une localité précise,  suffisent pour la qualifier d’insecurisée?  Est-ce qu’à Effoc et Youtou où interviennent les acteurs, il y a plus de sécurité qu’à Bitibiti ou Wangarang ? Est-ce que la commune de Santhiaba Manjack est plus sécurisée que celle de Djibidione , Nyassia, Boutoupa Camaracounda ou encore Kataba 1  et vice versa ?  C’est pour dire que le problème de sécurité en Casamance est très relatif à mon avis. Je précise qu’au niveau de la zone des palmiers caractérisée à tort comme zone rouge, les populations y mènent une vie normale, il y a toutes sortes d’activités aussi bien ludiques que de développement.

Si c’est le cas, alors même Ziguinchor commune est une zone rouge  car en 2009, il y a eu des tirs d’obus tombés non loin de l’université et au niveau de l’aéroport. Il en est de même pour ce qui concerne les axes Ziguinchor-Oussouye, Ziguinchor-Médina Wandifa, Ziguinchor-Goudomp, Ziguinchor –Mpack, Bignona- Séléty etc parce qu’il y a eu plusieurs braquages ou accrochages au niveau de ces intervalles .Le village de Mandina mancagne situé à moins de deux kilomètres de la commune de Ziguinchor ne devrait jamais être reconstruit parce que c’est là ou en 1997, il y a eu un violent accrochage avec un bilan de 25 soldats tués etc…

C’est pour dire à travers ces quelques exemples que je ne partage pas cette position de certains acteurs de refuser d’intervenir dans certaines localités. C’est une discrimination injuste qui est très mal vécue par les populations  qui invariablement et à juste titre ne cessent de se demander, si elles ne sont pas sénégalaises ? Si elles ne méritent pas d’être appuyées comme toutes les autres localités ? Qu’ont –elles faites de si mauvais pour être bannies des programmes des intervenants en Casamance dans le cadre de la reconstruction des habitats et infrastructures sociales de bases et de la réinsertion. C’est incompréhensible qu’à chaque fois qu’ils expriment leurs préoccupations auprès des intervenants, ils se heurtent au fait qu’ils ne pourront obtenir de réponse favorable pour le simple fait qu’ils se situent dans la ‘zone rouge’. En quelque sorte, ils sont exclus de tous les programmes d’appui à la reconstruction de la Casamance. La première conséquence, est qu’on assiste à des doublons dans certaines localités. On retrouve facilement des intervenants qui se querelles parce qu’ils ont exactement le même projet dans une même localité. Au finish je me demande si ce phénomène de ‘zone rouge’ n’est pas une stratégie de la part des intervenants pour mettre en « jachère » certaines zones afin de pouvoir y intervenir progressivement dans un futur proche et/ou lointain…?

Votre avis par rapport à la ‘ligne rouge’  du MFDC ?

L’existence de ce que le MFDC appelle ‘ ligne rouge’  est à mon avis la preuve que contrairement à ce que les messieurs Casamance tentent de faire croire à l’opinion, le processus de paix en Casamance n’a pas connue d’avancée significative. Il est planté ou se trouve au point mort comme je ne cesse de le répéter. La ligne rouge est une Zone où le MFDC interdit toutes activités (déminage, construction de pistes etc) tant qu’il n’y a pas d’accords de paix. Selon le MFDC la ligne rouge renferme des localités assez proches de certaines de leurs positions et le fait d’y construire des pistes ou d’opérer un déminage pourrait mettre les combattants en position de faiblesse en cas de reprise de conflit car cela contribuerait à faciliter le déplacement de l’armée et l’accès à ces zones non lointaines de leurs bases.

Et vous trouvez raisonnable la position du MFDC ?

Je suis quelqu’un qui milite pour la fin de la guerre. Mon village s’est déplacé dans un premier temps de 1991 à 1993 ensuite de 1997 et jusqu’à nos jours  car il y a encore des familles comme la mienne qui vivent toujours dans les lieux d’exile avec toutes les difficultés que cela comporte. Je ne peux donc pas être d’avis avec les combattants qui refusent toute activité de développement dans certaines localités ou les populations envisagent de retourner.

Cependant après analyse des fondements de leur refus, je crois les avoir compris. J’ai compris qu’ils sont dans une dynamique purement militaire. C’est à la limite un reflexe d’auto protection et de stratégie de lutte car la guerre n’est pas encore finie. Des pistes qui se terminent à quelques kilomètres de leurs cantonnements pourraient les affaiblir. C’est sans doute pourquoi, ils exigent d’abord la signature d’accords de paix afin de s’entourer de toutes les garanties nécessaires qui les permettraient d’accepter certaines activités.

Votre dernier mot ?

Je profite de l’occasion pour lancer un appel à la négociation afin que disparaisse cette ligne rouge. Cela favorisera la reprise du déminage et la possibilité de construction d’infrastructures de bases mais aussi sur cette même lancée d’encourager le mouvement de retour au bercail des populations déplacées ou réfugiées.

Mais s’il est un peu complexe de faire disparaitre la ‘ligne rouge’, ce n’est pas le cas pour les ‘zones rouges’, c’est pourquoi j’invite à cet effet les acteurs dans la reconstruction à étendre leurs activités au niveau de toutes les localités non comprises dans la « ligne rouge » afin d’aider et d’appuyer conformément à leurs objectifs les populations victimes des méfaits de la guerre à  retrouver une vie meilleure.

Interview réalisée par Abdou Rahmane Diallo exclusivement pour le Journal du Pays

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Commentaires (5)

  • attika1982

    POUR MA PART LA ZONE ROUGE ET LA LIGNE ROUGE C’EST LA GAMBIE. VIVE LA CASAMANCE INDEPENDANTE

  • Fouladou2

    A la fin de la lecture de l’interview de Capain, je reste à ma faim. Si je suis en accord dans la logique de Attika pour les limitations, je ne partage pas du tout l’avis de René sur le développement en temps de guerre. Le développement doit être un point de discussion dans les négociations. Vouloir développer la Casamance dans ces périodes d’incertitudes est une démarche politique mais pas pragmatique.

  • samboune

    Ce qui me fait apprecier René capain Bassene, c’est qu’a chacune de ses interventions, les lecteurs apprennent quelque chose de nouveau ou qu’ils obtiennent confirmation et complement de certaines informations. c’est un vrai observateur, on sent a travers ses réponses qu’il n’a pas tout dit, sans doute a cause des menaces dont il était victime et dont il est toujours victime.
    Courage capain, c’est pour nous un plaisir de te lire. Tu maitrises ton sujet. maintenant on comprend que les zones rouges, c’est juste pour diaboliser le MFDC, c’est en realité des zones « blanches’ car le MFDC n’a jamais été contre toute activité de developpement dans ces zones.

    C’est comme l’a si bien dit René capain, une discrimation mais plutot une sorte de jachére pour qu’ils puissent intervenir en casamance d’ici plusieurs années encore et encore…avec les fonds des bailleurs. La zone des palmiers est aussi securisée que Niaguis et Nyassia ou Edioungou.

    Vive la Casamance libre

  • Uliwo

    Je suis ravi de ton éclairage cher René. Il serait inconcevable pour Atika de se démettre de la ligne rouge ou de la zone rouge. Cela dépend de leur survie et de la survie de la résistance armée. Quand tu donnes un bout au Sénégal, il veut tout prendre. Ceux qui ont poussé des milliers de casaçais à l’exil en guinée Bissau, ceux qui ont brûlé des villages entiers, empoisonner les puits, détruire les rizières, ceux-là ne méritent pas un seul centimère carré de la casamance. Je rejoins Alinou pour dire vive la libération de la Casamance

  • alinou

    Merci ARD encore pour cette pertinente interview avec Capain.
    Merci Capain encore pour ces eclaircissements.
    merci le JDP de nous informer constamment.
    la lutte continue.
    Vive la Libération de la Casamance.

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