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Casamance: « Il n’ y a jamais existé de processus de paix » soutient René Capain Bassène dans une interview exclusive

Casamance: « Il n’ y a jamais existé de processus de paix » soutient René Capain Bassène dans une interview exclusive

De retour d’une conférence qu’il avait animé à l’Université Cheickh Anta Diop de Dakar sur invitation des étudiants casamançais ; René Capain Bassène est revenu sur les différents thèmes qu’il avait abordé lors de cette rencontre.

  • Les tentatives de négociations sont en panne. Elles sont minées par un ensemble de facteurs aussi bien directs qu’indirects.

  • La Casamance est toujours dans une situation de guerre

  • Le retour à la paix est de nos jours une forte aspiration des populations.

Interview exclusive pour le Journal du Pays

René Capain Basséne, vous revenez juste de Dakar d’où vous étiez allé animer une conférence sur le Thème : Processus de paix en Casamance espoir ou illusion ? Pourquoi un tel sujet ?

Ce n’est pas moi qui l’ai choisi. Ce sont les étudiants qui l’ont formulé et adopté ! Sans doute qu’ils voulaient des éclaircissements concernant le processus de paix. Et malheureusement ; ils ont porté leur choix sur ma personne pour animer les débats sur une question aussi embarrassante qui consistait à répondre si on peut oui ou non continuer à toujours espérer au processus de recherche de paix en Casamance ou s’il faut considérer cette affaire comme une pure illusion, une farce à l’endroit des populations

Comment vous vous y étiez organisé face à un sujet aussi délicat ?

Je ne me suis pas compliqué la tache. J’ai pris les choses du coté qui m’a paru le plus simple.

Pouvez-vous s’il vous plait partager avec nos lecteurs quelques aspects du contenu de votre exposé ?

Voici entre autre résumés en quelque sorte les différents aspects que j’ai abordés lors de ma conférence. Vous conviendrez avec moi qu’on ne peut pas tout dire dans une interview de ce genre.

Concrètement, quels sont les différents points que vous abordé ?

Rire : J’ai essentiellement axé mon intervention autour de deux axes à savoir : les facteurs bloquant le processus de paix et une tentative de propositions de solutions de sortie de crise. pour ce qui concerne le premier axe sur les facteurs bloquants, j’ai essayé de faire un diagnostique assez détaillé de tous les comportements qui contribuent à retarder l’engagement de pourparlers sincères en faveur du retour de la paix en Casamance. Le deuxième a porté comme je l’ai souligné plus haut sur des propositions d’esquisses de solutions.

Concrètement pour ce qui concerne le premier point j’ai évoqué des facteurs indirects et directs pouvant expliquer le retard du déclanchement d’un processus de paix:

Entre autre j’ai cité comme principal facteur indirect le fait que le conflit en Casamance n’intéresse pas ou semble ne pas intéresser la communauté internationale. A la limite c’est pour moi un conflit oublié comme j’ai tenté de l’expliquer dans mon second livre. «Casamance : récits d’un conflit oublié ».

A cela s’ajoutent d’autres éléments tels que :

  • Ce n’est pas un conflit assez médiatisé.

  • C’est un conflit de faible intensité avec des accrochages et affrontements assez espacés dans le temps.

  • C’est aussi un conflit très localisé.

  • C’est aussi un conflit qui n’intéresse pas les grandes ONG qui militent en faveur du respect des droits de l’homme.

  • En dehors de la Casamance, ce conflit n’intéresse pas grand monde

Et pour ce qui est des facteurs directs, ces derniers se situent aussi bien du côté des belligérants (MFDC et Etat du Sénégal) que de la société civile.

Ainsi du côté du MFDC, nous avons entre autre:

  • Le fait que le MFDC se dise prêt à ne négocier de rien d’autre que l’indépendance.

  • le fait que le MFDC soit divisé en plusieurs factions dans son aile politico-civil et combattante a bloqué toute possibilité de négociations sérieuses.

  • Le fait que certains dirigeants du MFDC notamment ceux de l’aile extérieure refusent systématiquement par peur d’être arrêtés ou d’être assassinés de se déplacer pour entrer en contact direct avec les combattants, ou avec les médiateurs, même si c’est pour une simple rencontre au niveau des pays limitrophes que sont la Gambie et la Guinée Bissau. .

Coté de l’Etat du Sénégal

  • Il s’agit notamment de la disposition de discuter de tout sauf de la question de l’indépendance qui pourtant demeure la revendication principal du MFDC.

  • Du manque d’une solution bien élaborée de sortie de crise.

  • De la stratégie que je qualifie d’ « infantilisation » du MFDC, en effet on a l’impression que nos autorités se comportent comme étant trop supérieures au MFDC qu’elles semblent ne pas considérer comme un sérieux protagoniste.

  • De l’Etat qui choisi invariablement et de façon unilatérale les médiateurs, ses médiateurs à lui.

Du coté de la société civile :

  • On ne sent pas tellement la société civile dans le cadre de la recherche de la paix. Les quelques institutions qui semblent s’y intéresser sont peu visibles et inefficaces dans leur rôle de médiation et de dénonciation de certaines mauvaises pratiques dont sont victimes les populations civiles de la part des belligérants.

Si on suit bien votre argumentaire, on est tenté monsieur Bassene de vous poser la question de savoir, si au delà des déclarations de principes, les belligérants sont réellement déterminés à se retrouver autour d’une table de négociations.

Si vous avons posé cette question ; c’est parce que tout comme moi, vous ne pouvez sans doute pas comprendre que ceux là mêmes qui se disent ouverts au dialogue, constituent curieusement des facteurs bloquant en persistant à poser des conditions préalables qui entravent sérieusement toute tentative de processus de négociations sincères.

D’un coté, nous avons l’Etat, qui se dit prêt à dialoguer, à discuter de tous les points imaginables sauf de la question de l’indépendance. Cette revendication du MFDC qui, nous le savons, est à l’origine de la crise en Casamance.

Au même moment ; nous avons le MFDC qui malgré ses divisons déclare qu’il ne négocie rien d’autre que l’indépendance. C’est d’ailleurs l’unique et invariable position partagée par toutes ses composantes, malgré les dissensions internes.

Un tel cas de figure n’est pas rassurant pour l’établissement d’une paix durable.

Monsieur Basséne on a envie de vous demandé de nous dire si d’après vous, il y a réellement une fois existé un véritable processus de paix en Casamance ?

Pour ma part, je suis de ceux là qui réfutent l’existence d’un processus de paix en Casamance.

Encore une fois, je reprécise que je suis trop loin d’être spécialiste en la matière, mais je crois savoir qu’un processus de paix est quelque chose de dynamique.

  • Il doit comporter un contenu bien précis avec une feuille de route comportant un ensemble de mesures, de décisions et d’activités consensuelles, bien planifiées par les parties prenantes.

  • On doit lui définir une vision claire et très précise de ce qu’il y a à faire.

Hélas, ce schéma n’a jamais encore existé pour ce qui concerne ce que certains acteurs qualifient de processus de paix en Casamance.

En vérité, la gestion du dossier casamançais a invariablement été confiée à plusieurs acteurs à la fois sans aucune feuille de route et qui évoluent dans le parfait désordre en se livrant une rude concurrence. Ce n’est pas cela un processus de paix.

Comment analysez alors cette accalmie qui prévaut sur le terrain ?

Je tiens encore une fois à préciser qu’aucun des acteurs n’a obtenu ni du MFDC ni de l’Etat, un accord officiel ou tacite d’une signature d’un cessez-le-feu.

Les messieurs Casamance continuent de faire croire à l’opinion que des négociations sont en train d’être menées en douce et que c’est ce qui explique cette relative accalmie notée sur le terrain. Mais je précise que ce n’est pas le cas.

D’ailleurs depuis la seconde moitié de l’année 2015 jusqu’au moment ou je suis entrain de vous parler tous les messieurs Casamance n’ont plus accès dans leurs différents maquis. Le MFDC leur a verrouillé ses portes et a coupé tout contact allant dans le sens d’engager des négociations.

Ceci dit ; cette accalmie constitue une sorte de trêve, mais surtout de période d’observation entre belligérants, car en réalité, le conflit est encore loin d’être considéré comme fini. Malgré cette accalmie tant chantée ; rien n’a bougé ou changé aussi bien du côté de l’Armée sénégalaise que de celui du Mfdc.

Vous voulez dire que la Casamance est toujours en situation de Guerre ?

Est-ce que accalmie est égale à paix ? Pourquoi se glorifier de cette accalmie ? Est –elle la solution idéale pour la Casamance ?

Il faut qu’on arrête de dormir sur ses lauriers et de se dire puisqu’on entend plus de détonation, on peut dormir car il y a la paix. L’Etat doit profiter de l’accalmie pour ouvrir des négociations sincères avec le MFDC. Autrement le réveil pourrait être très brutal.

Pour ma part, je me demande si réellement on peut qualifier d’accalmie la situation très confuse de ni paix ni guerre qui prévaut en Casamance.

Je termine par dire que sur le terrain aucun cantonnement stratégique n’a était levé aussi bien du côté de l’armée que de celui d’Atika. Bien au contraire, chaque camp ne cesse de se réorganiser d’avantage tout en restant vigilant et très bien concentré pour éviter tout effet surprise de la part de l’adversaire. Ils se surveillent très étroitement et le moindre incident suffit pour engendrer un affrontement sanglant.

Comment dans ces conditions pouvons-nous dire que nous sommes en situation de paix ? J’aurais accepté si on disait que la Casamance traverse un climat assez confus de ni paix ni guerre ou de « paix armée » parce qu’on en est encore et toujours à ce stade.

Selon vous y a-t-il encore espoir qu’un jour on arrivera à la paix.

Certes, le chemin vers la paix est encore long, sinueux et parsemé d’embuches, mais l’espoir est encore permis, et cela même si certains acteurs préfèrent maintenir cette situation de ni paix ni guerre pour continuer de profiter des avantages qu’elle leur procure.

En effet, rien n’est encore perdu car malgré tout, il existe encore des faits qui nous font continuer à espérer et à croire qu’une issue heureuse au conflit est encore possible en Casamance. En effet, il existe un contexte favorable jamais obtenu dans l’histoire de la crise à savoir :

  • Une baisse sensible de la tension obtenue sans accords préalables de cesser le feu,

  • Et un engagement de toutes les factions du MFDC à négocier avec l’Etat du Sénégal,

  • Une disposition clairement affichée et l’engagement invariablement renouvelé des autorités du Sénégal à négocier pour le retour de la paix,

  • La réunification en cours des différents cantonnements d’Atika.

  • Une très forte et irréversible aspiration des populations à la paix.

Monsieur Basséne Aviez vous émis des propositions de solutions de sortie de crise en Casamance.

Vous savez,  une paix ne se décrète pas, elle ne se dicte ni ne s’impose, elle ne s’obtient pas non plus par la division et la corruption. Elle se négocie.

Pour arriver a cette paix j’ai proposé que soit revue certaines méthodes en cours tels que :

L’option du développement pour la paix :Je ne partage pas entièrement le même avis que ceux pensent que mener des actions de développement à outrance en Casamance, pourrait vite ramener la paix. Pour moi, il ne peut pas y avoir de développement sans la paix.

  • C’est pourquoi je préconise que soit privilégié le dialogue, même si en parallèle on peut faire du développement pour accompagner les négociations.

La solution militaire : il est temps de se rendre compte que la solution à la crise ne peut pas être militaire ni passer par les armes.

La pratique de la corruption : est également illusoire de penser que l’on peut obtenir que les combattants du MFDC déposent les armes et rompent les rangs après trente années de combats, sur la base d’un achat de conscience et d’une tentative de division du mouvement.

La stratégie du copier coller ou de la transplantation des expériences vécues ailleurs. A mon avis, le conflit casamançais est tellement particulier qu’on ne peut pas lui trouver des solutions toutes faites. Ceux qui essayent de le résoudre en proposant des solutions et expériences importées d’ailleurs ne me démentiront pas. Il faut pour arriver à une paix, procéder à un véritable diagnostique des causes véritables du conflit ».

Pour les chefs du MFDC :

– Oublier les années de divisons et les combats fratricides qui ont provoqué beaucoup de pertes humaines dans les rangs des combattants ;

– Accepter de dépasser les intérêts personnels et ne viser que l’intérêt général, celui de tout le peuple casamançais pour arriver à la paix.

– Ne pas exiger obligatoirement l’indépendance comme condition unique de retour à la paix en Casamance.

– S’unir et se retrouver à la suite de l’organisation des assises inter MFDC autour de l’essentiel c’est-à-dire parler d’une même voix à travers un seul interlocuteur comme au temps de l’abbé Diamacoune afin d’aller à la table de négociations ».

Pour l’Etat du Sénégal 

  • « Mettre fin aux « Messieurs Casamance » et identifier les fossoyeurs de la paix ceux qui vivent du sang de leurs frères sénégalais et qui préfèrent mourir plutôt que de voir s’instaurer une paix durable en Casamance.

  • Rompre avec la politique de diviser le MFDC dans le but de mieux l’affaiblir. Cette démarche constitue l’un des principaux facteurs bloquants au dialogue en faveur de la paix.

  • Ne pas s’ingérer dans les affaires inter internes ou intérieures du MFDC.

  • Ne pas poser comme exigence la renonciation par le MFDC à l’indépendance comme condition préalable au dialogue.

Pour l’Etat et le MFDC :

De hauts cadres de l’aile politique du MFDC : Les préalables de l’ouverture des négociations seraient: la levée des poursuites judiciaires en l’encontre de tout casamançais d’ici ou d’ailleurs, de l’aile militaire comme politique, appartenant au MFDC ou pas .

De façon simultanée, et conjointe, le Sénégal et le MFDC, se choisiront un médiateur qui soit à la mesure, en termes de qualité juridique, de la problématique que pose le MFDC depuis trente trois ans.

Quelles ont été les recommandations que vous aviez données lors de votre conférence ?

Comme recommandations ; j’ai insisté sur le fait que le moment à mon avis est venu d’entamer une sérieuse réflexion à travers une « thématisassions » des débats, un questionnement profond sur :

1-Qu’est ce qui a engendré le conflit ?

2-Pourquoi le conflit persiste t-il toujours malgré les nombreux accords de paix et la disposition sans cesse renouvelée des belligérants d’aller à la table de négociations ?

3- Pourquoi malgré les gros efforts déployés sur les domaines économiques et sociales par l’Etat, la guerre perdure- t-elle toujours ?

4-Pourquoi autant de blocages, et d’où proviennent t-ils.

5- Pourquoi malgré leur ferme volonté de faire avancer les choses les acteurs de paix sont –ils dans l’impasse ?

6- Existe –t’il réellement un processus de paix en Casamance ?

7- Qu’est ce qui retarde le démarrage du processus de paix pour ne pas dire des négociations ?

Bref, toute une série de questions parmi tant d’autres dont les réponses permettront à la population de comprendre ce qui se passe réellement en Casamance, et de pouvoir livrer son opinion. C’est un travail immense qui interpelle tout le monde et qui ne saurait être uniquement laissé aux groupuscules des messieurs Casamance.

J’ai aussi rappelé que :

  • les populations sont fatiguées de la guerre. Elles ne peuvent plus continuer à supporter les affres de ce conflit, même si par ailleurs elles ne donnent aucun contenu à la paix.

  • l’aspiration à la paix est une donnée fondamentale à prendre en compte par les belligérants et tous les acteurs qui s’activent dans le processus de paix en Casamance.

  • Que cette paix soit le fruit d’une indépendance ou d’une insertion nouvelle dans le cadre du Sénégal, importe moins pour elles, ce qui compte pour elles, c’est d’arriver à la fin de la guerre qui les a fait tant souffrir et qu’elles continuent de subir.

C’était quoi votre message à l’endroit des étudiants de la Casamance ?

  • Je leur ai demandé de persévérer dans leur engament à contribuer pour un retour de la paix en Casamance.

Je les ai rappelé que :

  • En tant que filles et fils de la Casamance, ils ont raison de se sentir interpelés par cette situation de conflit que traverse la Casamance;

  • Qu’ils sont tous appelés à faire face à leurs responsabilités en tant que sénégalais et fils de la Casamance face à cette guerre.

  • Chacun de nous doit à sa façon, jouer sa partition pour un retour de la paix dans notre chère Casamance.

  • nous sommes une génération sacrifiée.

  • Il ne faudrait surtout pas que les générations futures le soient aussi.

  • Alors tous debout pour pousser les deux parties en conflit à s’engager pour des négociations sincères et pour une issue pacifique de cette crise trentenaire.

Interview réalisée par Abdourahmane Diallo
ARDiallo

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Commentaires (3)

  • Tombon

    Les casacais sontn responsable sans exception de la situation actuelle
    il y a chez les casacais la maladie du c est pas moi c est lui
    donc continuons dans le c est pas moi c est lui car personne veut ses responsabilités a commencer par ces responsables politiques, députés pas tres ethiques

  • Bantankouro

    Encore merci pour partager tes idées mon cher ami Capain ! Oui notre pays a de grandes potentialités, beaucoup de splendeurs et une histoire fabuleuse à faire découvrir au reste du monde, pour cela il nous faut travailler avec intelligence et humilité, on repart quasiment de 0 mais avec des atouts considérables qu’il faudra savoir mettre en avant (chaque pays a les siens nous devons frapper fort pour éviter les amalgames et bien distinguer la destination Casamance et ainsi empêcher le blocage et la corruption mais aussi les pillards et les faussaires, de s’accaparer ce qui nous revient!), le succès viendra , c’est une question de temps etde persévérance ! Il n’y a que de belles choses qui attendent les casamançais à condition de travailler! il faut une vision éclairée pour choisir le chemin et un discours engageant qui mobilisera tout le peuple vers l’ouverture, la confiance , l’optimisme et la liberté.

  • Balla Moussa

    RCB toujours fidèle à un décryptage complet de la crise en Casamance. Un bémol la situation économique en Casamance avec l’exploitaion de la forêt et le projet du zircon mais aussi le problématique de la transgambienne. Vive la Casamance libre

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