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Casamance: le processus de paix est stérile selon René Capain Bassène

Casamance: le processus de paix est stérile selon René Capain Bassène

Monsieur René Capain Basséne : journaliste, observateur très averti du conflit en Casamance et auteur de trois livres sur la crise casamançaise livre son analyse sur la gestion du processus de paix et sur l’accalmie qui règne en Casamance.

– Il n’a jamais existé de processus de paix en Casamance.

– L’accalmie qui prévaut en Casamance est un couteau à double tranchant.

Monsieur René Capain BASSENE en votre qualité d’observateur averti du conflit en Casamance, pouvez vous nous donner la situation exacte de l’avancement du processus de paix en cours ?

De quel processus de paix s’agit-il ? Est-ce qu’il a une fois existé un processus de paix digne du nom pour ce qui concerne le conflit en Casamance ?

Pour ma part, je précise que je suis de ceux-là qui réfutent l’existence d’un processus de paix en Casamance.

Pourquoi réfutez- vous l’existence d’un processus de paix en Casamance ?

Je reprécise que je suis trop loin d’être spécialiste en la matière, mais je crois savoir qu’un processus de paix est quelque chose de très dynamique et qui en outre doit comporter, un contenu bien précis, une feuille de route et une vision claire et très précise du résultat souhaité.

Hélas, ce schéma n’a jamais encore existé pour ce qui concerne ce que certains acteurs qualifient de  processus de paix en Casamance.

A ceux-là qui soutiennent qu’il existe un processus de paix en vigueur en Casamance, je leur répondrai que s’il en existe, alors absolument rien n’a bougé sur le terrain, que ce processus est en panne sèche car dépourvu de tout contenu et qu’en ce moment où, je suis en train de vous parler, tout est au point mort.

Que leur processus déclenché depuis 1991 demeure toujours stérile malgré la disposition et l’engagement déclarés des belligérants à négocier pour trouver une issue heureuse au vieux conflit qui est en train de perdurer en Casamance. On est juste et toujours à l’étape des déclarations de principes.

On comprend difficilement vos propos si on sait qu’il y a seulement quelques jours, monsieur Robert Sagna à la suite d’une rencontre entre le GRPC et les populations du Balantacounda avait annoncé que les combattants sont décidés à déposer les armes et qu’ils sont disposés à négocier avec l’Etat du Sénégal.

De nos jours, l’opinion est saturée par les multiples et variantes déclarations des « spécialistes en recherche de paix ». Mais je préviens qu’il ne faut surtout pas se fier aux informations persistantes qui voudraient que des négociations seraient en train d’être menées en douce entre l’Etat et le MFDC par l’intermédiaire d’un quelconque médiateur. C’est une contre vérité absolue et à ce propos je pèse bien mes mots.

Vous semblez dire que les déclarations du GRPC sur le rôle qu’ils sont actuellement entrain de jouer en faveur du retour de la paix et sur les acquis obtenus sur le terrain ne sont pas fondés.

Ils sont nombreux les acteurs qui de manière très habile essayent de faire croire à l’opinion, aux autorités et surtout aux bailleurs de fonds qu’ils sont en contact direct avec les combattants avec qui ils entretiennent de très bonnes relations ou qu’ils sont sur la bonne voie en direction des négociations alors que cela n’a souvent pas été le cas.

C’est dommage qu’à chaque fois que l’occasion se présente, chacun parmi ces acteurs n’hésitent pas à servir à l’opinion sa version sur ce qu’il considère comme avancée en énumérant fièrement les différentes activités qu’il a eu à mener avec son groupe ou sur ce qu’il considère comme des percées ou des acquis dans le cadre de la recherche de la paix en Casamance.

Sur ce point précis, je voudrais que vous reteniez qu’à l’heure où je suis en train de vous parler, aucun contact sérieux n’est établi entre un quelconque acteur et l’aile combattante du MFDC, encore moins entre un médiateur et une faction de l’aile politique ; laquelle a d’ailleurs toujours été contournée par les acteurs de paix.

En vérité, depuis le déclenchement du processus de négociations intra factions combattantes en juillet 2015, les portes des maquis se sont subitement fermées et hermétiquement refermées aux messieurs Casamance et autres facilitateurs. Ils n’ont plus la possibilité de rencontrer officiellement les combattants pour leur parler de leurs projets. Ils sont tous dans l’impasse car bloqués.

Cependant, ils sont tous entrain de tenter par tous les moyens mais sans succès pour le moment d’expérimenter des solutions pour contourner ou faire lever ce blocus afin de pouvoir reprendre leurs activités. C’est dans ce cadre qu’il faudra inscrire les agissements des uns et des autres. Des activités sans aucun impact sur le retour de la paix en Casamance, mais malheureusement médiatisé à outrance.

Pour la petite information, le dimanche 19 mars 2017, les combattants de la faction de César Atoute Badiate dirigée par Paul Aloukassine se sont opposés à l’organisation d’une activité d’un groupe spécialisé dans la recherche de la paix dans le nord Bignona. C’est selon eux une façon de montrer leur non adhésion à ce qui est dit et qui est entrain de se faire. Le lundi, ces mêmes acteurs se sont retrouvés dans un département de la région de Sédhiou pour annoncer que le MFDC leur a demandés de les aider à se réconcilier et à s’unir afin que le mouvement puisse grâce à leur expertise arriver à se trouver un secrétaire générale et un chef d’Etat major général ?

Serait- ce une façon de camoufler leur échec ? ou une manière de rebondir et de prouver à leurs rivaux, je veux parler des autres groupes d’acteurs que malgré le blocus, ils sont encore sur le terrain où par on ne sait quel miracle, ils ont retrouvé la confiance et la bénédiction totale de toutes les factions combattantes et politiques du MFDC au point de faire d’eux les interlocuteurs incontournables pour d’abord leur unité et ensuite pour le rapprochement des parties en conflit. Ces acteurs veulent croire à l’opinion qu’ils n’ont pas été demandeurs, mais qu’ils ont été choisis parmi tant d’autres par le Mouvement indépendantiste pour jouer le rôle de médiateurs. Sur le terrain la réalité est tout autre. Renseignez vous.

C’est étonnant que malgré qu’ils aient échoué à leurs multiples tentatives, ces acteurs refusent d’admettre leurs limites. Ils continuent à persister, à s’obstiner, à s’accrocher et à s’agripper de toutes leurs forces dans ce dossier de recherche de la paix en Casamance jusqu’à  en faire pour certains un domaine dans lequel ils sont connus depuis plusieurs dizaines d’années. Pourquoi un tel zèle de leur part ? Allez savoir.

Comment donc expliquez-vous monsieur Basséne cette période d’accalmie qui règne en Casamance ? N’est –elle pas le fruit des démarches du GRPC ?

Je tiens à rappeler en prenant à témoins tous les observateurs de la crise casamançaise, que l’accalmie qui prévaut sur le terrain en Casamance n’est pas chose récente. C’est une situation qui est clairement constatée à partir de l’an 2000 et qui avec le temps, s’est positivement renforcée au grand bonheur des populations civiles.

Cependant, tous les acteurs de paix se réclament de cette accalmie. Chacun soutient y avoir joué un rôle capital. Même ceux qui n’ont jamais eu le moindre contact avec le maquis ont clamé haut et fort y avoir largement contribué à travers leurs déclarations dans les médias.

Contrairement aux propos des « Mes dames et messieurs Casamance », du côté du maquis, les combattants vous répondent que c’est une décision prise à leur niveau de déposer les armes pour prouver leur désir invariable d’aller vers la table de négociations, mais également une manière pour eux, de tester la sincérité de l’Etat sénégalais à vouloir ouvrir des pourparlers en vue d’un règlement définitif de la crise.

En tant qu’observateur averti de cette crise, quelle analyse faites –vous de cette accalmie ?

Contrairement à la majorité de l’opinion, je ne me félicite pas de cette accalmie et cela peut étonner voir même choquer certains. Je ne suis pas un va-t-en-guerre ou quelqu’un qui voit partout des échecs mais je voudrais bien qu’on me dise qui a négocié l’obtention de cette accalmie, avec qui l’a-t-elle négociée ? Quand et où ? Quelles ont été les clauses ? Et qui ont été les garants ?

Je souhaiterais également qu’on me dise si accalmie est égale à paix ? Pourquoi les acteurs de paix se glorifient-ils de cette accalmie ? Est –elle la solution idéale pour la Casamance ?

C’est pour dire que cette accalmie ne repose sur absolument rien de solide, et qu’elle représente pour moi un couteau à double tranchants.

Si on l’exploite bien, elle peut nous conduire rapidement vers cette paix tant désirée, mais si on s’y prend mal, elle peut engendrer une reprise des hostilités dans la pire des formes.

Il faut qu’on arrête de dormir sur nos lauriers et cesser de croire que puisqu’on entend plus de détonations d’armes, il y a la paix.

En Casamance nous vivons une situation de paix armée car, sur le terrain aucun cantonnement stratégique n’a était levé aussi bien du côté de l’armée que de celui d’Atika.

Bien au contraire, chaque protagoniste ne cesse de se réorganiser d’avantage tout en restant vigilant et très bien concentré pour éviter tout effet surprise de la part de l’ennemie.

Ils se surveillent très étroitement comme c’est le cas de nos jours au Nord du département de Bignona où depuis la crise post électorale en Gambie, militaires sénégalais et combattants du MFDC sont aux aguets. Le moindre incident suffira pour engendrer un affrontement sanglant.

Comment dans ces conditions pouvons-nous dire que nous sommes en situation de paix ?

L’autre facette trompeuse de cette accalmie, est qu’elle est en train d’endormir les populations qui, lassées de vivre les méfaits de la guerre, ont considéré cette trêve comme le début d’un retour irréversible vers la paix.

En effet, avec l’accalmie, les populations ont repris beaucoup d’activités ludiques, cultuelles, culturelles, religieuses et surtout de développement qu’ils ne pouvaient pas mener dans les années 1990 à 2000 voir jusqu’en 2005, pour certaines localités parmi les plus affectées par le conflit.

L’accalmie a eu pour conséquences positives, d’encourager le retour au bercail des populations réfugiées ou déplacées, la réouverture de certaines écoles et autres infrastructures sociales de base, la réouverture des hôtels, la quasi-liberté de circulation des personnes et des biens, le retour des partenaires au développement, la reprise des activités agricole ainsi que de l’élevage.

Bref, la trêve a permis un retour pour certaines populations à une vie quasi normale. C’est pourquoi j’invite vivement les parties en conflit à s’orienter vers des négociations sincères car les Casamançais, de façon particulière, sont fatigués de cette guerre qui a atteint tous les secteurs de leur vie, réduisant ainsi tout un ensemble d’efforts consentis par plusieurs générations.

Ce n’est pas évident que cette accalmie puisse continuer à perdurer parce qu’un combattant ne meurt jamais de faim l’arme à la main. Il n’est pas suicidaire même si par ailleurs il soit favorable au dialogue.

Ceci dit, l’accalmie peut être un jour perturbée par l’instinct de survie des combattants ou pour une autre raison quelconque comme le braquage de motos « jakarta » par des individus lourdement armés qui a eu lieu le 14 mars 2017 entre les villages de Darsalam et Etomé sur l’axe Ziguinchor- Cap skiring. Ce type de comportement pourrait s’envenimer et amener les belligérants à reprendre les hostilités.

Je conclu ce point sur l’accalmie en disant qu’en réalité, la Casamance traverse un climat assez confus de ni paix ni guerre et qu’on en est encore et toujours à ce stade.

Autrement dit, malgré les nombreuses déclarations des uns et des autres qui voient en cette accalmie le résultat de leurs efforts, ce calme très précaire et fragile ne repose sur absolument rien de solide. Il peut fondre à tout Moment.

Interview recueillie par Abdou Rahmane Diallo (ARDiallo)

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Commentaires (2)

  • Koumpo Boudodi

    Je suis en phase avec l’analyse de RCB. Réaliser la paix en Casamance ne doit pas se faire au dos de ses enfants par des gens qui sont complètement coupés de notre vie d’ici. Ils vivent à Dakar, ont créé leur famille là-bas et ils nous prennent pour des idiots. Ils sont arrogants, sans pudeur et destructeurs. Au nom de la Casamance, je demande à toute la jeunesse de boycotter leur tribune. Merci

  • Zeus

    BIEN DIT RCB ! C’EST CLAIR

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