Le 30 avril 2025, des milliers de Burkinabè ont convergé vers la place de la Révolution à Ouagadougou pour réaffirmer leur soutien au capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition au Burkina Faso. Cette démonstration de force intervient dans un contexte tendu, marqué par les accusations du général américain Michael Langley, chef du commandement militaire américain pour l’Afrique (AFRICOM). Devant le Sénat des États-Unis, ce dernier a accusé le régime militaire burkinabè d’utiliser les ressources nationales, notamment l’or, pour sa propre protection au détriment de la population. Ces propos ont provoqué une vague d’indignation dans le pays et dans plusieurs États africains, selon un reportage de la BBC.

Une figure montante de l’anti-impérialisme africain

Loin d’affaiblir le pouvoir de Traoré, ces critiques semblent avoir renforcé son image de leader souverainiste et anti-impérialiste. Sur les réseaux sociaux, de nombreux artistes, activistes et jeunes Africains — y compris de la diaspora afro-américaine — ont exprimé leur solidarité. La BBC souligne que Traoré est perçu comme une figure de résistance face aux ingérences occidentales, en particulier françaises.

Depuis son arrivée au pouvoir par un coup d’État en septembre 2022, le capitaine Traoré a adopté un discours sans concession sur la souveraineté nationale. Il a exigé le retrait des forces françaises, réorienté la diplomatie burkinabè vers la Russie et l’Iran, et quitté plusieurs cadres régionaux comme la CEDEAO et le G5 Sahel. Pour une jeunesse africaine en quête d’indépendance réelle, ces choix résonnent comme un retour à une dignité politique longtemps niée.

Une stratégie populaire mais controversée

Dans son reportage, la BBC rappelle que la popularité de Traoré ne repose pas uniquement sur son rejet des puissances occidentales. Sur le plan intérieur, il a lancé une guerre offensive contre les groupes jihadistes qui ensanglantent le pays, en recrutant massivement des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et en renforçant l’armée nationale. Cette posture de combat, malgré des résultats mitigés, lui vaut un soutien populaire important.

Cependant, cette popularité est aussi à nuancer. Le chercheur Daniel Eizenga, cité par la BBC, évoque une répression accrue des opposants, des arrestations arbitraires, la disparition de journalistes et de figures de la société civile, ainsi que l’enrôlement forcé dans des milices. Le contexte sécuritaire continue de se détériorer, avec un nombre croissant de morts, de déplacés et d’écoles fermées.

Une nouvelle figure du panafricanisme ?

Pour beaucoup, Ibrahim Traoré incarne une sorte de renouveau panafricaniste. À moins de 40 ans, il est souvent comparé à Thomas Sankara, ancien président révolutionnaire du Burkina Faso. Selon Seidik Abba, chercheur cité par la BBC, la jeunesse de Traoré, son discours radical et son franc-parler rappellent la figure charismatique de Sankara, bien que les contextes soient très différents.

Traoré a multiplié les gestes symboliques : renoncement à son salaire présidentiel, discours en langues locales, proximité avec les populations rurales et urbaines. Cette posture contraste avec celle des élites traditionnelles accusées de compromission avec l’Occident.

Une rupture géopolitique assumée
Selon la BBC, la stratégie de Traoré s’inscrit dans une dynamique plus large de rejet de l’ordre international tel qu’il est perçu par une partie de la jeunesse africaine : néocolonial, inégalitaire, paternaliste. Le capitaine burkinabè forme avec ses homologues du Mali (Assimi Goïta) et du Niger (Abdourahamane Tiani) l’Alliance des États du Sahel (AES), un regroupement militaire et politique qui ambitionne de redéfinir les rapports de force en Afrique de l’Ouest.

Mais cette rupture a un prix : isolement diplomatique, difficultés économiques, détérioration sécuritaire. Pour les analystes, il est encore trop tôt pour juger de la viabilité de ce modèle. Toutefois, l’aura d’Ibrahim Traoré dépasse déjà les frontières du Burkina Faso.

Saliou Cissé