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Casamance : commémoration à goût amer en Casamance et en France du 19ème anniversaire du naufrage du bateau « Le Joola »

Casamance : commémoration à goût amer en Casamance et en France du 19ème anniversaire du naufrage du bateau « Le Joola »

Ce 26 septembre 2021, la cérémonie de commémoration du naufrage du « Joola » en 2002 reste d’un goût amer en Casamance et en France.

« Il y a eu trois naufrages, lance Alain Verschatse président de l’association des familles des victimes du Joola en France. Le premier est d’avoir laissé monter 2 000 passagers alors que la capacité maximale était de 550 personnes. Le deuxième, c’est que rien n’a été fait pour sauver les victimes : les premiers secours sont arrivés dix-huit heures après le drame. Le troisième, c’est le déni de justice que nous subissons en France. »

Depuis 2003, le père de Claire, 20 ans, décédée dans le naufrage, se rend comme les proches des 19 victimes françaises, de tribunal en tribunal afin de poursuivre les responsables de cette catastrophe.

Si l’affaire a été classée sans suite dès 2003 par le parquet sénégalais avec pour seul responsable le commandant de bord du Joola disparu avec son navire, en France la procédure s’est arrêtée. L’information judiciaire qui était ouverte avec les chefs d’« homicides involontaires par violation délibérée des règles de prudence ou de sécurité », « blessures involontaires par violation délibérée des règles de prudence ou de sécurité » et « non-assistance à personne en péril » est laissé au fond du tiroir.

En 2008, neuf mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés à l’encontre de membres du gouvernement sénégalais, notamment l’ex-premier ministre sénégalais Mame Madior Boye et l’ex-ministre des forces armées Youba Sambou.

Mais, le 28 octobre 2014, les juges d’instruction français ont ordonné un non-lieu. L’association des familles des victimes du Joola y voit une décision politique visant l’atténuation des risques de crise diplomatique entre le Sénégal et la France. Nicolas Sarkozy, président à l’époque, avait remercié le juge Jean-Noël Wilfrid qui avait émis les mandats.

Amnésie ou banalisation ? Pourtant, le naufrage du navire britannique le Titanic a été moins meurtrier que celui du Le Joola, « si on en parle moins que le Titanic, c’est parce que c’est 2 000 victimes africaines alors on s’en fiche. Ici, on banalise », dira un responsable de l’association des victimes françaises.

Même colère du côté des proches des victimes casamançaises. Idrissa Diallo, père de trois victimes et représentant du comité d’initiative pour l’érection du musée mémorial du Joola, évoque les dix-neuf violations aux règles régissant la tenue du navire, révélées par l’enquête française sur les causes techniques et les défaillances humaines. Sont en cause dans le rapport, « le chargement aberrant, l’effet inclinant du vent et du roulis, l’absence de fermeture des hublots », comme des « carences dans le dispositif des secours ». « Ce que je recherche c’est la vérité, clame-t-il. Aucune enquête judiciaire n’a été ouverte et dix-neuf ans après le gouvernement sénégalais n’a toujours pas produit de liste officielle avec les noms des victimes». Autre doléance, que l’épave soit renflouée. « Il y a encore au moins un millier de corps enfermés, poursuit-il. Le bateau a beaucoup de choses à raconter. Je pense qu’ils refusent de le sortir car c’est le corps du délit, celui qui révélera leurs mensonges, sur le nombre de victimes notamment. »

Au-delà des plus de 2000 morts, les victimes indirectes, les proches, principalement les orphelins que la catastrophe a laissés derrière, ils sont plus de 1 900, selon Idrissa Diallo, dont seuls 800 ont été pris en charge par l’Etat comme pupilles de la nation : « Chaque famille reconnue par l’Etat a reçu 10 millions de francs CFA (15 250 euros) en indemnisation par le gouvernement d’Abdoulaye Wade, même si certaines ont refusé, jugeant qu’on ne remplace pas une vie humaine par de l’argent. » Mais de nombreux orphelins ont été laissés sur le carreau : ceux qui avaient 18 ans lors du naufrage n’ont pas été pris en charge. C’est le cas d’Eli Diatta qui a dû travailler très tôt pour aider sa mère après le décès de son père.

Selon l’association des victimes françaises soutenue par la Diaspora casamançaise :
« On ne veut plus que la justice française s’abrite derrière ses relations diplomatiques avec le Sénégal. La Françafrique, il faut bien qu’un jour ça s’arrête ! Les intérêts de la France à préserver on comprend, mais il y a eu 2 000 victimes ! Et peu importe le résultat de la cassation, nous continuerons notre combat, jusqu’à la commission européenne des droits de l’homme, en espérant qu’il n’y aura pas de relations diplomatiques France-Sénégal qui interféreront cette fois ».

Antoine Bampoky

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Commentaires (5)

  • Mendycasa

    « Année après année, les familles demandent la réouverture du dossier judiciaire au Sénégal. Dès 2003, la justice l’avait classé, concluant à la seule responsabilité du commandant de bord, disparu dans le naufrage. Depuis l’élection de Macky Sall à la présidence, certains responsables d’associations sénégalaises avaient cru que le nouveau pouvoir « remettra sur la table » tout le dossier Joola.

    Cela fait 19 ans que les familles se battent pour trouver réponse à leurs questions. Quelles sont les causes véritables du naufrage alors que le navire sortait des ateliers, après un an d’immobilisation pour réfection ? Pourquoi transportait-il près de 2 000 passagers, ce qui représente quatre fois plus que sa capacité ? Pourquoi les secours ont-ils mis dix-huit heures avant d’arriver quand tant de vies auraient pu être sauvées ? Jusqu’où remonte la chaîne de responsabilités ? Et que faut-il faire pour qu’à l’avenir pareille catastrophe ne se reproduise plus ? »

  • Tapha

    Cri de coeur !!! Ils ont tous été sacrifiés par le Sénégal.
    Les victimes du Joola ne sont pas morts dans notre cœur. Il y aura certainement la justice de Dieu. Puisse Dieu veiller sur les âmes emportées. Vive la Casamance!

  • Nianthio

    Avec cette catastrophe, c’est TOUTE la Casamance qui est atteinte et pleure encore ses enfants.
    Il n’est de Casaçais ou Casaçaise où qu’il (elle) soit sur le territoire ou à l’étranger qui ne soit atteint au plus profond de son âme par cette tragédie.
    Que toutes les victimes reposent en paix.
    Aidons les orphelins SVP

  • Mafousse SANE

    Il n’y a pas de justice pour les victimes. Les responsables courent toujours avec la complicité de cette justice du Sénégal. Les faits sont pourtant connus :
    – Problème de maintenance
    – Problème de la qualité du matériel
    – Problème de formation
    – Problème de secours
    – Problème dans la chaine de décision
    – Problème de gestion du bateau
    – Problème de prise en charge des victimes

  • Bapoulo

    Un témoignage poignant d’une parente de Ziguinchor à écouter:

    https://www.youtube.com/watch?v=JA94SXimrpI

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