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Casamance / Enquête: Deux ans après la tuerie de Boffa-Bayotte

Casamance / Enquête: Deux ans après la tuerie de Boffa-Bayotte

Le 6 janvier 2018, 14 trafiquants de bois ont été tués dans la forêt de Boffa-Bayotte tout près du village de Toubacouta. Deux ans après, le Journal du Pays vous livre l’enquête sur le terrain.

Deux années se sont écoulées, après plusieurs déclarations contradictoires de politiciens, acteurs et experts sur le massacre, une stratégie de mise en silence d’Omar Ampoi Bodian, le Chargé de mission du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) et du journaliste chercheur et spécialiste en investigation René Capain Bassène, a été savamment exécutée par le Groupe de Réflexion pour la Paix en Casamance (GRPC) dirigé par Robert Sagna. Ce dernier déclarait à la face du monde : ‘‘ Nous utiliserons tous les moyens à notre possession et tous les pouvoirs pour combattre les indépendantistes ».

En collaboration avec les autorités sénégalaises, Robert Sagna a envoyé un de ses serviteurs Aliou Djiba chez Maurice Badji, chef de village de Bourofaye Diola. La mission d’Aliou Djiba est de dicter à Maurice Badji tout ce qu’il devrait raconter aux gendarmes enquêteurs déployés pour faire arrêter Omar Ampoi Bodian et René Capain Bassène. Ces derniers les empêcheraient de prendre contact avec les combattants du MFDC au sud de la Casamance.

Entendu le premier sur l’affaire de la tuerie, le chef de village de Boffa-Bayotte est catégorique : « Je ne peux rien dire sur ce sujet parce que je ne sais rien » a –t-il déclaré aux gendarmes.

Pour le chef de village de Bourofaye-Baynouck : « Comme vous, j’ai appris la mauvaise nouvelle par la radio. D’ailleurs notre village n’est pas de la commune de Nyassia. Cependant nous avons entendu des tirs et aussi les corps des victimes ont transité dans mon village avant d’être acheminés à Ziguinchor. C’est tout ce que je sais. »

Quant au chef de village de Toubacouta : « Je ne vis pas à Toubacouta depuis plus de 20 ans. Je ne sais rien de ce qui s’est passé. Il faut s’adresser à Ibou Nafoute Sané mon secrétaire général. »

Le chef de village de Trankil dit ne rien savoir de toute cette tragédie.

C’est donc le nouveau élu de Bourofaye Diola, en l’occurrence Maurice Badji qui déclara : « Il y a eu une réunion le 03 janvier 2018 dans mon village. J’ai convoqué cette séance en accord avec le journaliste René Capain Bassène. »

Le mercredi 10 janvier 2018, quatre jours après le massacre dans la forêt de Boffa, un homme est arrivé à moto dans le  village de Toubacouta. Il portait le nom de Landing Diédhiou et s’est présenté comme le conseiller particulier de Robert Sagna. Il demanda alors de rencontrer le président de la jeunesse villageoise, le nommé Abdou Sané et l’infirmier de la localité Nicolas Diatta.

Le message transmis par Landing Diédhiou est troublante : « Je viens de la part de Robert Sagna. Il vous demande d’être très prudent car votre village est ciblé. La gendarmerie interviendra dans 48 heures pour arrêter votre collègue Jean Christophe Diatta. Dites-lui d’être tenace et coopératif. Il ne doit surtout pas fuir du village.»

Quelques heures après le départ de Landing Diédhiou du village, Abdou Diédhiou et Nicolas Diatta ont fidèlement informé Jean Christophe Diatta du message du « conseiller de Robert Sagna ».

Qui est donc Jean Christophe Manga ?

Jean Christophe Manga faisait partie des activistes membres du comité de défense de la forêt de Casamance qui ont été arrêtés deux mois auparavant, jugés et condamnés à un mois d’emprisonnement. Ils se seraient battus contre les trafiquants du bois précieux de Casamance et auraient confisqué le matériel de coupe de bois.

Ce même jour, du 10 janvier, Maurice Badji et Nafoute Sané sont convoqués à la gendarmerie de Bodody en face de la gouvernance de Ziguinchor pour concocter toutes les fausses accusations contre les jeunes de Toubacouta, le journaliste René Capain Bassène et d’Oumar Ampoi Bodian, le chargé de mission du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC).

Le 13 janvier 2018, tôt le matin entre 5 à 6 heures,  Nafoute Sané a conduit les gendarmes dans le village de Toubacouta.

De maison à maison, Nafoute a montré aux gendarmes les chambres des jeunes qui seront défoncées. 15 jeunes dont Jean Christophe Manga ont été arrêtés manu militari.

Comment donc Robert Sagna était-il informé 48 heures à l’avance, de l’arrestation des jeunes de Toubacouta par la gendarmerie ? Allez savoir !

Au même moment à Ziguinchor, c’est Maurice Badji qui a servi de guide à la gendarmerie pour encercler la maison du journaliste René Capain Bassène et procéder à son arrestation.

Toutes les personnes arrêtées ce jour, ont été torturées et enfermées dans la gendarmerie de Néma toujours à Ziguinchor. Selon les témoignages d’ « insiders », aucun élément ou document compromettant n’a était saisi lors de ces opérations.

Arrêté le 13 janvier 2018 dans la maison familiale à Toubacouta, Jean Christophe Manga a été battu et torturé devant sa femme et ses enfants. « J’ai été moi-même ligotée et jetée par terre par les hommes armés de la gendarmerie » a déclaré Madame Manga. « Ils ont fouillé la maison et jeté tous nos affaires au sol en les piétinants. N’ayant rien trouvé, ils sont partis avec mon mari menottes aux poings presque sans habit et avec des blessures aux deux genoux, le sang coulait sans arrêt » affirme-t-elle.

Jean Christophe Manga a été accusé par Ibou Nafoute Sané de rebelle et combattant du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance, pire il aurait dirigé personnellement les opérations de la tuerie de Boffa-Bayotte. Dans un premier temps il nie toute implication dans cette histoire.

A la gendarmerie de Néma, où il a était séparé des autres jeunes de Toubacouta. Jean Christophe Manga qui a rejoint Maurice Diatta et Ibou Nafoute Sané à la gendarmerie de Boudodi. Une promesse d’argent et de libération aurait été avancée par les enquêteurs. Et tout cas, Jean Christophe Manga s’est rétracté et déclare avoir dirigé les opérations de tuerie mais avec les jeunes du quartier de Ibou Nafoute Sané toujours du village de Toubacouta. Ces accusations ont provoqué d’ailleurs la deuxième vague d’arrestation du 23 janvier 2018.

Dans sa dernière déclaration, il a ajouté qu’il a aperçu René Capain Bassène sur les lieux de la tuerie. « Ils lui ont montré une photo de René Capain Bassène, il a répondu qu’il ne le connais pas. Ils l’ont battu et il ne supportait plus les tortures et il a accusé faussement René Capain Bassène. » Nous apprennent nos sources. Cette accusation conforte ainsi le procès-verbal produit par Aliou Djiba un des envoyé de Robert Sagna.

Pourtant à cette date du 06 janvier 2018, René Capain Bassène était avec les jeunes de son quartier pour un match de football. Tous les témoignages s’accordent à ce sujet et une douzaine de jeunes veulent apporter leur témoignage en vain.

Très vite, l’enquête truffée qui était confiée à la brigade de gendarmerie de Ziguinchor a été retirée et confiée à l’équipe du Lieutenant-colonel Issa Diack, le nouveau patron de la Section de recherches de la Gendarmerie nationale basée à Dakar.

Arrivé à Ziguinchor, Issa Diack convoque de suite Maurice Sambou et Ibou Nafoute Sané. Après leurs déclarations, il les maintient en détention.

Entendu par le juge d’instruction en février 2018, Ibou Nafoute Sané aurait rejeté toutes les accusations. Il a expliqué au juge qu’il a été contraint de parler et d’accuser les gens sous l’effet de la torture systématique depuis son arrestation.

Jean Christophe Manga qui était convoqué par le juge en mars 2018, lui aussi rétorque qu’il n’a jamais été rebelle et qu’il n’a jamais dirigé une opération de tuerie. Il affirme qu’il était le 06 janvier 2018 il à la cérémonie religieuse d’un parent décédé. Les villageois confirment. Il déclare qu’il a été battu pour accuser des personnes qui lui sont citées. Selon sa famille, son corps est lézardé par des cicatrices.

« Maurice Badji, le protégé de Robert Sagna, est le seul jusqu’en mai 2019 qui n’a pas eu d’interrogatoire devant le juge d’instruction. Mais tout le village sait que c’est lui qui est la base de l’arrestation des jeunes de Toubacouta » a confié un de ses oncles.

Aliou Djiba, l’envoyé spécial de Robert Sagna à Toubacouta, a fait sensation en avouant aux membres de sa famille qui lui a rendu visite en prison que c’est bien Maurice Badji qui a parlé de réunion et qui a remis aux gendarmes la liste sur laquelle ils se sont basés pour arrêter les gens dont René Capain Bassène.

En ce qui concerne Oumar Ampoi Bodian, le chargé de mission du MFDC, l’information qui est répandue dans le village de Toubacouta, c’est Bourama Toumboul Sané, chef du comité pour la préservation de la forêt, tué par la gendarmerie lors de son arrestation, qui aurait cité son nom. Ce bruit a était orchestré par Robert Sagna nommé « Parrain » (parrain de la mafia ?) dans un livre de Xavier Diatta « Casamance : Les geôles du mensonge. »

ARDiallo

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Commentaires (15)

  • Tourban Kansala

    L’article décrit bien cette mafia de GRPC que défend mal son parrain.
    Regardez ces deux vidéos qui sont édifiants:

    https://youtu.be/5fiGF3yl1rA

    https://youtu.be/KYV4YAcCYZo

    Wassalam

  • SinkurBadin

    Tous les Casamançais que j’ai connus dans les années 2007 qui étudiaient en France études de sciences sont tous sans exception pas retournés en Casamance. Ils veulent gagner leur pain et des expériences dans les pays européens ou au Canada. Ils projettent tous comme moi retournés en Casamance une fois libre pour y travailler et aider à l’essor du pays.

  • Kassoumaye1

    Le Peuple aura à combattre les déstabilisateurs de l’intérieur, semeurs de haine entre frères combattants avec le partenariat d’officine bien douteuse, connu du Grpc et de leur Parrain Robert Sagna. Ces gens veulent réaliser le rêve du colon Macky Sall. Ce rêve colonialisme n’est pas le nôtre.
    La situation va certes leur échapper incessamment sous peu. La Casamance combattra ces usurpateurs de patriotisme sans compromis.

  • Fouladou2

    Je ne cherche pas à me justifier, mais je tiens à apporter quelques éclaircissements. Dans ma position politique relative à la lutte populaire d’indépendance totale, il n’y a aucune contradiction. Comme dans tout soulèvement de masse, l’évolution d’un mouvement évolue en fonction des rapports de force entre les deux principaux antagonistes (Mfdc Casamance et Etat Sénégal). Après une longue période d’apathie, le resurgissement d’un soulèvement populaire massif en Casamance suscite en nous de grands espoirs et une extraordinaire adhésion. Mais au fil de la maturation des événements, on prend conscience des carences du mouvement de soulèvement. En ce qui concerne le Mfdc, quoique populaire, j’avais d’emblée souligné sa nature paysanne bien ancrée, son défaut de radicalité politique, sa cruelle absence de revendications sociales, économiques, en un mot sa défaillance en matière de perspective révolutionnaire. Mais on garde toujours l’espoir d’un retournement de situation impulsé par le prolétariat et la petite bourgeoisie naissante. Néanmoins, en dépit de son immaturité politique, corollaire de plusieurs de décennies de dépolitisation forcenée et d’islamisation amollissante, le Mfdc a remis sur le devant de la scène historique la nécessité de la lutte. Cette fois-ci, les conditions objectives et subjectives n’étaient pas encore réunies pour impulser une authentique révolution. Mais, ce n’est que partie remise. Car la crise économique systémique et l’instabilité politique au Sénégal, en Gambie et en Guinée Bissau acculeront la Casamance de tout bord à se défendre, à riposter. Et la prochaine manche sera autrement plus radicale et subversive, car ravitaillée des enseignements et expériences actuels. Vive la Casamance indépendante et fière. Invicta Felix

    • Teesito

      Votre texte est excellent FOULADOU, comme votre analyse. Quelle que soit l’issue de la bataille politique et militaire engagée, le MFDC aura libéré la parole de tout notre peuple en Casamance et effacé la peur. La libération de la parole et de la peur étant la première étape vers un positionnement politique certain ! Merci pour vos interventions et surtout l’article de ARD. Mes cousins Peuls sont très tranchants dans notre lutte. Mais je vais bientôt les rattraper et devancer….

    • Anonyme

      Monsieur Fouladou2 , merci pour votre intervention, permettez-moi de vous dire juste ceci : d’abord une chose, il n’existe pas que des paysans, prolétaires, bourgeois ou diaspora, il y a les Casamançais , et ensuite deuxième chose , ces braves Casamançais qui ont marché le 26 décembre 1982 et 1983 risquent de se fatiguer après 37 ans, de s’essouffler à la longue si on continue à leur refuser de s’auto organiser, refuser de les encadrer pour les aider à élaborer une plate-forme consensuelle, une feuille de route consensuelle qui tienne compte de ses revendications (indépendance ou autonomie ) qu’il négociera et imposera au pouvoir colonial sénégalais, et donc enfin pour se donner des perspectives. Sans ces conditions, se seront les autres (soit le Sénégal, soit ses partis politiques sénégalais) qui décideront à sa place et dans ce cas à quoi aurait servi cette lutte d’indépendance qui a fait autant de morts et de souffrances ! Qu’est-ce que vous en pensez ? Mes respects.

  • Uliwo

    Mes pensées et mes prières vont d’abord aux victimes et à leurs familles, mais aussi aux prisonniers injustement détenus sans jugement. Je prie Dieu Tout Puissant d’apporter la paix dans les coeurs et dans les âmes pour que la Casamance soit enfin elle-même libre et prospère. Uliwo. L’union fait la force.

  • Zeus

    LIBEREZ LES PRISONNIERS POLITIQUES CASAMANCAIS! VIVE LA CASAMANCE LIBRE

  • Anonyme

    Je suis du Boulouf et combattant de Diakaye prêt à mourir en martyrs pour défendre mon pays la Casamance mais je ne suis pas prêt à mourir pour défendre le Grpc qui est la cause de nos malheurs!

  • Tapha

    Comment peut-ont faire confiance à Robert et sa bande du Grpc, il faut être malade ou un demeuré. Ils ont joué la diversion pour faire endormir les millions de casamançais, et c’est la même méthode depuis 1982, sauf à cause de la misère et l’injustice le peuple devient amnésique, celui qui a magouillé un jour le refera un jour ou l’autre, soyez certains nous resterons les derniers ou monde tant que nous croyons à ces vieillots de politicards qui ont plongé la Casamance dans l’enfer.Vive la Casamance indépendante et maudit les traitres.

  • Fambondy

    Robert Sagna, Ama Diémé, Kabetene et ces autres dames Fambondy vous regarde de loin. A chaque chose son temps. LA CASAMANCE SOUFFRE A CAUSE DE VOS EGOS.TROP DE SANG DE VOS ENFANTS ONT COULE ET CELA DOIT CESSER. IL Y A UNE FIN A TOUTE CHOSE.

  • Anonyme

    Merci JdP de m’éclairer. J’étais pas aussi avisé….
    Je souhaite une bonne année et une bonne continuation à mieux informer au moment des fakes news qui arrivent de partout. Thank you very much.

  • Kolda Nafoure

    Robert Bob Sagna est un criminel. Il est mauvais. Il a conseillé Abdou Diouf de mettre le feu en Casamance en tuant tous les INDEPENDANTISTES ET NATIONALISTES. Beaucoup sont morts et maintenant il a poussé Macky Sall de mettre les vrais patriotes casamançais en prison en profitant du trafic de bois à Diakayes dans la région des palmiers. Mais il va payer sur terre ou au ciel. Verser le sang du Casamançais est interdite. Il le sait.

  • Balla Moussa

    Le transfert des prisonniers politiques casamançais de Dakar à Ziguinchor n’a pas permis d’apaiser la grogne des Casamançais et les familles des victimes qui ont du mal à avoir les permissions nécessaires pour visiter les détenus.
    Cette année s’annonce particulièrement tendu avec les élections législatives et la reprise ou non de négociations entre le Mfdc et le Sénégal ou une reprise des hostilités.

  • Katakalousse

    Rien, n’indique que la justice coloniale sénégalaise ne laisserait pas croupir en prison les innocents jusqu’à la mort. Ils sont capables. N’est pas le chef de village de Toubacouta est mort il y a un an ?
    Depuis quand les Casaçais battent le pavé pour réclamer leur indépendance et un changement radical du système de gouvernance, d’éducation et le départ de ces autorités et symboles sénégalais.
    Les jeunes qui sont dans le village voisin ont quitté en masse pour le maquis et ils ont raison. Notre village suivra dans quelques mois après les bénédictions d’usage. Inschallah, la Casamance sera indépendante Manomann.

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