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Casamance : Bignona debout, manifeste contre les forces de défense de l’État sénégalais

Casamance : Bignona debout, manifeste contre les forces de défense de l’État sénégalais

Le 13 mai 2025 restera gravé comme un jour de dignité dans l’histoire de la Casamance. Ce jour-là, Bignona s’est arrêtée. Non pas par peur. Par honneur. Par fidélité à une mémoire blessée. À une dignité trop souvent foulée aux pieds par les bottes d’un pouvoir qui traite encore cette région comme une province rebelle à mater, non comme une terre souveraine de culture, de foi et de paix.

Tout est parti d’un épisode qui, ailleurs, aurait été anodin. Mais ici, à Tendième, c’est le trop-plein. Dimanche dernier, le cortège du guide religieux El Hadj Ousmane Fansou Bodian, de retour d’une ziarra paisible à Colomba, est stoppé net. Un gendarme zélé confisque un permis, sans justification. Deux heures d’immobilisation, deux heures de silence imposé à un cortège spirituel. Deux heures de trop. Une humiliation de plus.

Ce n’était pas qu’un permis. C’était un symbole. Celui d’un mépris devenu structurel. Une énième démonstration que les lois et les forces de l’État sénégalais ne s’appliquent pas partout de la même manière, et que la Casamance, elle, reste une exception. Non pas par choix. Par une politique assumée de marginalisation.

Face à cette injustice, les talibés n’ont pas attendu l’autorisation des pouvoirs publics. Ils ont pris la parole. Et, surtout, ils ont pris leur destin en main : ce mardi, la ville est morte. Écoles fermées. Commerces baissés. Transports arrêtés. Barrages érigés. Non pas dans le chaos, mais dans une discipline digne, solidaire. Une démonstration de force populaire comme seul un peuple humilié, mais debout, peut en offrir.

Le préfet tente d’apaiser. Il se rend lui-même chez le marabout. L’imam Bodian appelle au calme. Mais sur le terrain, la parole ne suffit plus. Car l’injustice n’est pas isolée. Elle est récurrente. Elle est systémique.

Osons le dire. Ce que vit la Casamance depuis des décennies n’a rien d’un simple « problème régional« . Il s’agit d’un traitement colonial, perpétué par un État centralisé qui peine à reconnaître l’identité plurielle du pays. Quand Touba et Tivaouane déroulent leurs processions religieuses dans la paix et le respect, pourquoi les marabouts casamançais doivent-ils se justifier à chaque carrefour, se soumettre à chaque barrage ?

Dans les mots d’un manifestant : « Le Sénégal est en guerre contre la Casamance. » C’est un cri. Mais c’est aussi un constat. Les contrôles abusifs, les amendes arbitraires, les regards méfiants, les ordres sans explication… tout cela constitue le quotidien d’un peuple Casamançais qui n’a jamais été pleinement écouté.

Elle a offert au Sénégal des fils illustres, des terres fertiles, une culture de paix et de dialogue. Mais en retour, elle reçoit la suspicion. L’humiliation. La violence. Aujourd’hui, à travers l’affaire Bodian, c’est bien plus qu’un conflit entre des talibés et les gendarmes sénégalais qui s’exprime. C’est l’affirmation d’un peuple qui dit : « Ça suffit. Nous ne voulons plus être des citoyens de seconde zone. »

La paralysie de Bignona est un signal d’alarme. Le Sénégal se comporte en terre conquise de la colonisation. Mais s’il continue à ignorer, à mépriser, à brutaliser, alors ce n’est pas une simple crise qu’il nourrira. C’est une rupture totale.

Et dans cette rupture, la Casamance n’a plus peur. Elle a la mémoire. Elle a la foi. Et surtout, elle a un peuple prêt à défendre son honneur et son indépendance définitive.

Samsidine Badji (SAM)

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Commentaires (1)

  • Essamaye Bignona

    Allons-nous agir, de façon décisive, pour empêcher un génocide en Casamance ? Les conditions inhumaines imposées sans la moindre gêne par l’armée et la gendamerie sénégalaise est pire que les colonisations portugaise et française. Je peux vous dire, pour avoir visité ces derniers jours toute la Casamance de Thionk Essyl à Kédougou que le calvaire à cette échelle à un son et une odeur. Des mamans et des enfants déplacés par les militaires sénégalais refusent de laisser leur école pour servir de campement. Et pourtant nous entendons dire le gouvernement sénégalais fait tout pour le développement et la sécurité. Nous avons informé ce gouvernement des détails sur le mal qui se fait de façon extensive aux civils dont nous sommes témoins chaque jour: arrestation, mort, blessure, destruction, faim, maladie, torture, autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, déplacements répétés, vol des terrains des locaux, des interdictions de circuler….. Nous avons décrit l’obstruction délibérée et systématique de la vie des Casamançais. Nous sommes informés.Pour les morts comme François Mancabou, Fulbert Sambou, Didier Badji et ceux dont les voix sont réduites au silence, de quelles preuves supplémentaires avez-vous besoin ? Allez-vous agir, de façon décisive, pour empêcher la fin de la Casamance et assurer le respect du droit international ou direz-vous à la place « Nous voulons être des Sénégalais et renoncer d’être Casamançais ? Quelle honte !

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