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Casamance : Déminer sans la paix, le pari périlleux du CNAMS

Casamance : Déminer sans la paix, le pari périlleux du CNAMS

Alors que le conflit en Casamance s’éternise depuis plus de quatre décennies, le Centre National d’Action Antimines du Sénégal (CNAMS) semble s’engager dans une course solitaire au déminage, au mépris des fondamentaux d’une paix négociée. Cette stratégie unilatérale, dénoncée avec véhémence par le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), menace d’envenimer une situation déjà fragile.

Une opération de déminage sans mandat politique

Le CNAMS, bras opérationnel de l’État sénégalais en matière de déminage, prévoit — avec le soutien d’acteurs étrangers — de mener des opérations dans les zones dites « grises » de la Casamance. Ces zones, marquées par une souveraineté contestée et des tensions armées récurrentes, sont précisément celles que le MFDC considère comme hors du champ d’action légitime de Dakar, en l’absence d’un accord global de paix.

Or, en s’attaquant à ces territoires sans processus de réconciliation préalable, le CNAMS foule aux pieds l’impératif de neutralité. Pire : il instrumentalise la douleur des Casamançais, en recrutant certains d’entre eux pour désamorcer les mines posées pendant un conflit qui n’a jamais été soldé.

Le CNAMS, de technicien à cobelligérant ?

Dans une lettre adressée au Journal du Pays, le MFDC a mis en garde contre « tout aventurisme de déminage » qui se déroulerait hors du cadre d’un règlement politique. Les mots sont choisis, mais lourds de sens : « le CNAMS se comporte comme un cobelligérant« , accuse le mouvement indépendantiste. Une formule grave, qui transforme ce qui devrait être une mission humanitaire en geste potentiellement hostile, voire militaire.

Ce n’est pas la première fois que les tensions liées au déminage dégénèrent. En mai 2013, onze démineurs — dont trois femmes — Fatou Guèye, Fatoumata Diaw, Sophie Aïdara, Charles Coly (Chef de l’équipe), Emile Alampa Sambou, Idrissa Manga, Mohamadou Sérigne Diédhiou, Pierre Marie Coly, Aziz Diémé, Gilbert Tendeng, Souleymane Doucouré et Omar Diédhiou, ont été retenus plusieurs semaines dans la forêt de Kaylou, une démonstration de force qui rappelle que le terrain, ici, ne se prête ni à l’ignorance diplomatique ni aux actions improvisées.

L’hypocrisie humanitaire

Derrière les intentions affichées de « sauver des vies » se dessine une réalité plus trouble : celle d’un déminage qui pourrait servir de prélude à une reprise en main territoriale, sans que les véritables questions —l’indépendance, l’autonomie, la mémoire, la justice — aient été abordées.

Le CNAMS, exclusivement dirigé par des Sénégalais, est perçu comme un instrument des États coloniaux. En opérant sans dialogue, il balaie d’un revers de main les revendications historiques du peuple casamançais, et compromet l’espace de négociation patiemment construit par des années de pourparlers informels.

Une paix piétinée

Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la nécessité du déminage : chaque vie sauvée est une victoire. Mais encore faut-il que cette action ne s’effectue pas contre les populations concernées, en dehors de tout accord de confiance. Le déminage ne peut être un préalable à la paix : il doit en être la conséquence.

En agissant ainsi, le CNAMS transforme une urgence humanitaire en enjeu de souveraineté, et prend le risque d’ajouter la colère à la souffrance.

Déminer la terre, sans déminer les cœurs, c’est semer une nouvelle guerre.

Le Sénégal, pour espérer tourner la page du conflit casamançais, ne peut continuer à confondre désarmement et domination. La paix ne s’impose pas à coups de pelleteuses et de gilets pare-balles : elle se construit, à hauteur d’homme, autour d’une table de dialogue.

ARDiallo

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