Guinée-Bissau : préoccupations autour des pressions exercées sur un défenseur des droits humains

L’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains – un partenariat entre la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) – alerte sur la situation de Bubacar Turé, président de la Ligue guinéenne des droits humains (LGDH). Cette organisation est connue pour ses prises de position en faveur de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux.
Selon l’Observatoire, M. Turé fait actuellement l’objet de harcèlement et de pressions croissantes. Le 17 avril 2025, le président de la République, Umaro Sissoco Embaló, a publiquement menacé de dissoudre la LGDH, l’accusant de mener des activités à caractère politique. Cette déclaration fait suite à une série d’événements impliquant M. Turé, dont une prise de parole remarquée lors d’un séminaire sur la violence faite aux femmes et aux filles, le 10 avril.
Au cours de cet événement, organisé par la Coordination Nationale du Réseau Africain des Médias pour la Promotion de la Santé et de l’Environnement, M. Turé a dénoncé plusieurs dysfonctionnements dans le secteur de la santé publique. Il a évoqué, entre autres, la vente de médicaments censés être gratuits, un manque de soins en maternité, et surtout, des décès survenus lors de séances d’hémodialyse à l’hôpital national Simão Mendes. Il a appelé à l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur ces faits.
Les propos de M. Turé, largement relayés par la presse locale, ont suscité une réaction immédiate. Le directeur de l’hôpital, M. Abel Silva Matar, a annoncé son intention de porter plainte contre lui. Deux jours plus tard, le 12 avril, des gendarmes du Département de l’information policière et des enquêtes criminelles se sont rendus à son domicile sans mandat, en son absence, et ont procédé à une perquisition jugée illégale par l’Observatoire. Le lendemain, un important dispositif sécuritaire a été déployé au port de Bissau, semblant viser le retour de M. Turé en ville. Ce dernier, selon ses proches, se trouverait désormais « en lieu sûr ».
Le 16 avril, une rencontre a eu lieu entre la LGDH et le Procureur de la République. Celui-ci a confirmé qu’aucune poursuite judiciaire n’était engagée contre M. Turé, mais qu’une enquête avait été ouverte pour déterminer s’il y avait eu négligence ou responsabilité dans les décès évoqués. La LGDH a exprimé sa volonté de coopérer à l’enquête, dans le respect des procédures officielles.
Ce n’est pas la première fois que Bubacar Turé fait l’objet de menaces. En 2022 déjà, lui et d’autres responsables de la LGDH avaient signalé des intimidations, notamment après avoir dénoncé une tentative de coup d’État contre le président Embaló.
La situation actuelle s’inscrit dans un contexte plus large de tensions politiques en Guinée-Bissau, où les défenseur.es des droits humains et les journalistes font régulièrement face à des pressions. L’Observatoire appelle les autorités à garantir la sécurité de M. Turé et à respecter les libertés fondamentales, y compris celles de s’exprimer et de critiquer publiquement les institutions.
Balanta Mané
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