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Guinée-Bissau : Visite d’Etat à haut risque du président sénégalais Diomaye Faye à Bissau

Guinée-Bissau : Visite d’Etat à haut risque du président sénégalais Diomaye Faye à Bissau

Ce lundi 26 mai 2025, trois mois après la visite de son Premier Ministre Ousmane Sonko, le président sénégalais Bassirou Diomaye Diakhar Faye entame une visite d’État de 24 heures en République de Guinée-Bissau. Accueilli par son homologue Umaro Sissoco Embaló, le chef de l’État sénégalais foule le sol bissau-guinéen dans un contexte régional sous tension, à la fois économique, sécuritaire et politique. Officiellement, l’agenda se veut prometteur : coopération renforcée, hommage aux héros de l’indépendance, consolidation du bon voisinage. Mais derrière la vitrine protocolaire, les enjeux sont autrement plus complexes.

Le pétrole au large, la prudence à terre

Au cœur des discussions entre Bissau et Dakar : la pêche maritime, mais surtout l’exploitation des ressources offshore. Depuis la signature de la Convention de coopération halieutique en 1978, les eaux frontalières sont soumises à des régimes partagés. Or, avec la récente multiplication des campagnes de prospection pétrolière dans la zone, la donne change.

Les blocs pétroliers au large des deux pays suscitent à la fois l’espoir d’une manne économique et la crainte d’un nouvel espace de tension. Les questions de transparence, de redistribution des revenus, et de respect des écosystèmes sont peu abordées dans les communiqués officiels, mais elles alimentent en coulisse les inquiétudes des indépendantistes Casamançais, des ONG et des pêcheurs artisanaux. Pour ces acteurs, les forages se traduisent déjà par une raréfaction des prises, sans aucune contrepartie visible.

L’accord de paix introuvable en Casamance

La frontière que partagent la Casamance réclamée par le Sénégal et la Guinée-Bissau reste une ligne de fracture non résolue. Depuis des décennies, la Casamance est secouée par une guerre entre les indépendantistes et l’armée sénégalaise. Malgré deux accords signés à Bissau entre l’État sénégalais et des déserteurs du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), la paix véritable est toujours hors de portée.

Les maquis persistent, les trafics aussi – armes, bois, et cocaïne. Et la porosité de la frontière facilite tout autant les incursions armées que les alliances opportunistes. Bissau, qui s’est posée en médiateur par le passé, est devenu partisan depuis l’avènement de Macky Sall au Sénégal, joue ici une carte diplomatique délicate, voire ambivalente.

En visite à Bissau, Diomaye Faye sait qu’il lui faudra aborder ce dossier brûlant, même si peu de garanties existent sur la volonté réelle de coopération sécuritaire de la part d’un État bissau-guinéen souvent accusé de faiblesse – ou de compromission – face aux réseaux criminels.

Embaló, entre vitrine internationale et gestion autoritaire

Pour Umaro Sissoco Embaló, cette visite du président sénégalais représente un capital politique à engranger. Alors que son pays est fréquemment cité comme plaque tournante du narcotrafic en Afrique de l’Ouest, et que son régime est critiqué pour la répression des opposants et le verrouillage de l’espace démocratique, accueillir un dirigeant élu des urnes comme Diomaye Faye est une occasion précieuse de redorer son image.

Le dîner officiel, la remise de la médaille Cabral et la visite à la forteresse d’Amura – haut lieu de mémoire de l’indépendance – offrent une mise en scène soignée. Mais derrière les symboles, une réalité bien plus trouble demeure.

Un partenariat à repenser

En apparence, la relation entre le Sénégal et la Guinée-Bissau est celle de deux voisins solidaires, liés par la géographie, l’histoire coloniale, et des enjeux communs. Mais dans les faits, elle reste asymétrique, fragmentée, minée par la méfiance et les intérêts divergents.

À Bissau comme à Dakar, cette visite de 24 heures peut être un pas vers plus de coopération – si elle s’accompagne de décisions concrètes et d’un dialogue sincère sur les dossiers qui fâchent. Faute de quoi, elle ne restera qu’un chapitre de plus dans le livre souvent feuilleté, mais jamais vraiment lu, de la diplomatie ouest-africaine.

Antoine Bampoky

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