La Casamance rend hommage à Nelson Mandela
Le père de la nation sud-africaine et symbole de la lutte contre le régime d’apartheid, Nelson Mandela, est décédé jeudi à Johannesburg à l’âge de 95 ans, a annoncé le chef de l’État Jacob Zuma à la télévision. « L’ex-président Nelson Mandela nous a quittés […] il est maintenant en paix. La nation a perdu son fils le plus illustre », a déclaré le président Zuma lors d’une intervention en direct en fin de soirée, annonçant que les drapeaux seraient mis en berne à partir de vendredi et jusqu’aux funérailles d’État dont il n’a pas précisé la date. Mandela avait été hospitalisé pendant plusieurs mois pour des problèmes pulmonaires l’été dernier avant d’être ramené chez lui.
Emprisonné pendant 27 ans en raison de son combat pour la justice, il a marqué la seconde moitié du XXe siècle et le début du nouveau siècle, inspirant des hommes et des femmes de tous les horizons, comme peu de chefs politiques ont su le faire. Son refus de la violence, qui n’a pourtant pas été absolu pendant les années les plus sombres du régime ségrégationniste en Afrique du Sud, lui a valu le prix Nobel de la paix en 1993 et plusieurs autres hommages.
De multiples prénoms
Nelson Mandela est né le 18 juillet 1918 dans le village de Mvezo, dans la région du Transkeï, qui est devenue la province du Cap-Oriental après avoir constitué un bantoustan de 1951 à 1991. Son père était le roi de l’ethnie thembue, avant d’être déchu de ce titre par les autorités du dominion et de devenir le conseiller de son successeur. Le premier prénom du futur président de la République sud-africaine était Rolihlahla, ce qui au figuré signifie « fauteur de trouble ». Alors qu’il fréquente une école méthodiste, son institutrice lui donne un prénom anglo-celte : celui de Nelson, comme le célèbre amiral, qu’il gardera jusqu’à sa mort. Mais aujourd’hui, la plupart du temps, ses compatriotes le prénomment affectueusement Madiba, du nom du clan dont il est issu.
La tuberculose emporte le père de Nelson Mandela quand ce dernier n’a que neuf ans. Le régent de l’ethnie thembue devient alors son tuteur. Le jeune Nelson poursuit des études qualifiées de brillantes dans une école secondaire administrée par des missionnaires, avant de s’inscrire dans une université dont il sera expulsé à la suite d’un différend au sujet d’élections au conseil étudiant. Il se brouille également avec son tuteur, qui veut lui imposer un mariage arrangé. Il réalise alors que son combat ne sera pas seulement dirigé contre la minorité blanche qui domine le pays, mais également contre les aspects rétrogrades de sa propre culture.
Il travaille bientôt dans un cabinet d’avocats et termine ses études en droit par correspondance. Il deviendra le premier avocat noir de Johannesburg en 1951.
Il se joint à l’African National Congress (ANC), alors dirigé par Alfred Xuma, en 1944. Il milite au sein de la Ligue des jeunes de l’ANC, où il côtoie notamment Walter Sisulu et Oliver Tambo, deux autres héros de la lutte contre l’apartheid. Ces jeunes, qui prônent les actions de masse, exerceront une influence déterminante sur le mouvement.
En 1945, le suffrage universel devient une des principales revendications de l’ANC, qui s’était concentré jusqu’alors sur les diverses formes de discrimination raciale en cours dans le pays. Ce n’est qu’en avril 1994 que l’Afrique du Sud connaîtra ses premières élections multiraciales… qui porteront Mandela à la présidence.
Lois racistes
Depuis sa création en 1910, l’Union sud-africaine s’était dotée de toute une panoplie de lois racistes, dont plusieurs avaient pour but la confiscation des terres appartenant aux Noirs. Avec l’accession au pouvoir du Parti national, en 1948, ces lois sont renforcées et systématisées au sein d’un système connu sous le vocable néerlandais d’apartheid.
Nelson Mandela mène avec l’ANC une « campagne de défiance », qui culmine dans une grande manifestation le 6 avril 1952. Des milliers d’activistes, dont Mandela, sont arrêtés par la police. Il est condamné à neuf mois de prison avec sursis et placé en résidence surveillée. Cette campagne n’obtient pas vraiment de résultats tangibles.
En juin 1955, conjointement avec le Parti communiste sud-africain et des partis majoritairement blancs ou métis, l’ANC adopte une Charte de la liberté qui propose une société libre de toute discrimination raciale, la démocratie, le respect des droits de la personne, une réforme agraire, le droit d’association syndicale et certaines nationalisations. Une partie des membres de l’ANC, partisans du nationalisme noir, quittent le mouvement et fondent le Panafrican Congress (PAC). Le gouvernement ségrégationniste, de son côté, dénonce un document communiste.
Le choc de Sharpeville
Le 21 mars 1960, un événement tragique contribue à transformer le destin de l’ANC et celui de Nelson Mandela. Ce jour-là, la police tire sur une foule de manifestants pacifiques dans un township situé au sud de Johannesburg. Elle tue 69 personnes et en blesse 186. Le massacre de Sharpeville provoque d’autres manifestations. Loin de s’excuser, le gouvernement dirigé par le Parti national ne tarde pas à déclarer l’état d’urgence et à interdire l’ANC et le PAC, lequel avait joué un rôle dominant dans l’organisation des manifestations du 21 mars.
Le Conseil de sécurité de l’ONU condamne le massacre et demande à Pretoria de renoncer à l’apartheid, un appel qui ne sera pas entendu avant la fin des années 1980. La justice sud-africaine interdit définitivement l’ANC en 1960 au nom de la lutte contre le communisme. De plus en plus de Noirs sont convaincus que le temps de la résistance passive est révolu et qu’il faut passer à la lutte armée. Mandela et d’autres militants proposent de continuer le combat dans la clandestinité. Une branche armée de l’ANC appelée Umkhonto we Sizwe (Lance de la nation), mieux connue sous l’initiale MK, est créée le 16 décembre 1961.
Cette organisation mène une campagne de sabotage qui vise surtout des bâtiments gouvernementaux, en s’efforçant de ne pas faire de victimes.
Les arrestations se multiplient pendant l’année 1962. Nelson Mandela, qui vivait dans la clandestinité depuis 17 mois, fait partie des personnes appréhendées. Il est condamné une première fois à cinq années de prison et de travaux forcés pour avoir organisé une grève générale en 1961.
Le calvaire de Robben Island
L’année suivante, d’autres membres de l’organisation interdite sont arrêtés et jugés conjointement avec Nelson Mandela pour tentative de renversement du gouvernement par la violence, entre autres accusations. Mandela est condamné à la prison à vie en 1964. Il sera détenu à la prison de Robben Island, au large du Cap, jusqu’en 1982, date à laquelle il sera transféré à la prison de Pollsmoor, sur la terre ferme, où il résidera jusqu’à sa libération en février 1990.
Son plaidoyer, dans lequel il explique pourquoi la lutte armée était devenue inévitable, est remarqué au point où un quotidien progressiste de Johannesburg reproduit intégralement sa déclaration principale. Pendant sa détention, son aura ne cesse de croître, au fur et à mesure que la mobilisation contre l’apartheid s’intensifie dans le monde — sans vraiment dépasser les milieux de gauche dans un premier temps, il faut dire. En effet, cette mobilisation ne commencera à déboucher sur des sanctions contraignantes qu’à partir de 1977, et encore, elles demeureront très limitées. À Robben Island, Nelson Mandela inspire ses compagnons de captivité. Les discussions qui se déroulent entre les séances de travaux forcés sont surnommées l’« université Mandela ».
Nelson Mandela a préféré rester fidèle à ses convictions plutôt que de les renier en échange d’une libération. Il recouvrera finalement sa liberté en 1990, alors que le régime d’apartheid est progressivement démantelé sous la présidence de Frederik De Klerk.
En 1991, il devient président de l’ANC lors du premier congrès que ce parti tient en Afrique du Sud depuis sa mise hors la loi en 1960. Il est élu, avec une très forte majorité de voix, à la présidence de l’Afrique du Sud en 1994, poste qu’il quittera après un seul mandat, en 1999.
En 2001, le gouvernement canadien a accordé à Nelson Mandela la citoyenneté à titre honoraire, un honneur rarement consenti. Deepak Obhrai, député conservateur de Calgary-Est, a présenté le héros sud-africain comme « un symbole de la résistance au préjugé et à l’injustice [ainsi que] de la paix et du pardon ».
D’innombrables artistes populaires lui ont rendu hommage dans leurs chansons, de Stevie Wonder à Céline Dion, en passant par Youssou N’Dour, Whitney Houston, Dire Straits et Eric Clapton.
Les sites de l’African National Congress, de South African History Online, de Nobelprize et de Wikipédia, ainsi que des dépêches de l’Agence France-Presse et d’Associated Press ont été consultés pour la rédaction de cet article.