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Casamance: René Capain Bassène sur les incidences de la crise politique en Gambie sur le conflit en Casamance

Casamance: René Capain Bassène sur les incidences de la crise politique en Gambie sur le conflit en Casamance

René Capain BASSENE, journaliste, écrivain et observateur du conflit en Casamance se prononce :

– Yahya Jammeh n’est ni père fondateur, ni parrain du MFDC.

– Aussi bien la Guinée Bissau que la Gambie, aucun de ces pays n’a une emprise réelle sur le MFDC.

– Une intervention militaire en Gambie pourrait avoir de lourdes conséquences sur les populations civiles vivant dans ce pays et celles vivant de part et d’autre de la frontière avec le Sénégal.

A la suite du refus de du président Yahya Jammeh d’accepter le verdict des urnes et de reconnaitre sa défaite, beaucoup d’acteurs stipulent qu’il compte sur le MFDC pour l’aider en cas d’intervention militaire. Pour vous qui suivez de très prés le conflit en Casamance pouvez vous nous donner votre analyse de cette situation ?

Vous savez, je ne suis pas quelqu’un qui s’empresse de parler et d’émettre des analyses sur des situations très dynamiques et difficilement cernables comme c’est le cas de nos jours en Gambie.

Aucun parmi tous ces acteurs qui à travers les médias ne cessent de nous inonder de leurs analyses, n’avait imaginé que Yahya Jammeh allait accepter sa défaite avant proclamation des résultats et nul d’entre aux ne s’était imaginé que ce même Yahya Jammeh allait dix jours après rejeter le verdict des urnes en se proclamant vrai vainqueur des élections présidentielles.

C’est pour dire que ces acteurs dont vous parler ont plutôt donné leurs avis ou leurs impressions à chaud car pour émettre une analyse sérieuse, il faut se donner un peu de temps surtout quand il s’agit de certains sujets.

Je ne suis pas géopoliticien ni diplomate. Je ne peux donc pas m’aventurer à m’exprimer sur les projets et nouvelles ambitions de Yahya Jammeh et sur ce que deviendra la Gambie.

Mais je vais sur la base de faits précis tenter de répondre à votre question concernant une éventuelle immixtion du MFDC dans la crise politique gambienne.

D’abord je tiens à préciser que :

  1. Yahya Jammeh n’est pas le père fondateur du MFDC.
  2. Il était arrivé au pouvoir en 1994 sans aucune implication directe ou indirecte du MFDC.
  3. Il n’avait aucune emprise réelle sur les combattants du MFDC, tout comme le président Bissau guinéen.
  4. Avec ou sans Jammeh, le mouvement va continuer à exister tant qu’il n’y aura pas d’accord de paix final.

On dit que Jammeh aurait livré des armes aux combattants du MFDC pour l’aider à résister en cas d’intervention militaire. Confirmez-vous cette information ?

Rires. Je suis quelqu’un qui dans mes interventions ne parle que sur la base des faits. J’ai toujours condamné les analystes qui en parlant du conflit casamançais utilisent le conditionnel. Ce temps leur permet de dire des choses qui souvent déstabilisent les populations et sèment la crainte et la confusion en leur sein tout en leur octroyant une certaine couverture du point de vue éthique et judiciaire.

Je ne peux ni infirmer ni confirmer ce que vous me demander. Je n’en sais absolument rien. Il faudra demander à ceux qui ont eu à proférer de telles allégations de confirmer ou de demander à leurs sources de donner les preuves de ce qu’ils ont déclaré.

Par ailleurs, je vois mal les combattants du MFDC s’engager dans une autre guerre qui n’a rien à avoir avec leur revendication au même moment où en Casamance, ils sont en situation de guerre avec l’armée sénégalaise. Le maquis casamançais ne compte pas des centaines de milliers de combattants pour disposer de troupes mobilisables pour des interventions en terre étrangère. A moins que tout d’un coup Attika devienne une bande de mercenaires… et je crois que ce n’est encore pas le cas. Mieux le MFDC n’est pas nourri, habillé et payé par Jammeh pour que les combattants se retrouvent dans l’obligation de mourir pour lui.

Pour ma part, je sais qu’entre Yahya Jammeh et les combattants du MFDC, les relations n’ont pas toujours été des meilleures.

  1. Jammeh avait fait arrêter le 28 septembre 2004 plus d’une vingtaine de combattants. Ils étaient accusés de détentions frauduleuses de documents administratifs gambiens mais surtout d’être entrain de fomenter un coup d’Etat contre lui.
  2. Ces derniers ont été condamnés à plusieurs années de prison sans aucun jugement préalable
  3. En cette même année 2004, le chef de guerre Ismaela Magne Diémé a été arrêté par Yahya Jammeh. Depuis lors il n’a plus redonné signe de vie. Des rumeurs circulent qu’il serait mort en détention.
  4. Le 4 novembre 2004, monsieur Alexandre Djiba, un membre très influent du MFDC a été arrêté par Jammeh. Il est décédé en prison la nuit du 18 au 19 mai 2009.
  5. Le chef de guerre Kamougué Diatta a été arrêté en Gambie où il a été emprisonné dans un premier temps avant d’être livré aux autorités sénégalaises par Yahya Jammeh.
  6. A la suite du dernier coup d’Etat manqué, Yahya Jammeh avait soupçonné le MFDC d’avoir hébergé le cerveau des putschistes.

Vous voyez donc qu’il a eu à porter des coups assez durs au MFDC. Si Yahya Jammeh était un soutien indéfectible pour Attika, il avait pendant 22 ans de règne tout le temps nécessaire pour donner des armes au MFDC afin de mieux mener leur lutte contre l’Etat du Sénégal.

Vous réfutez la thèse que Yahya Jammeh n’a pas armé Salif Sadio ?

Entre 2000 et 2006 Salif se battait sur plusieurs fronts : il subissait d’un côté et en même temps les bombardements de l’armée Bissau guinéenne, l’offensive des troupes de César Atoute  et de l’autre le harcèlement de l’armée sénégalaise. Mais il avait malgré tout réussi à se replier vers le nord avec troupes, armes et bagages. Il ne s’y est pas implanté les mains vides.

Et César ?

Comment des armes pourraient en ce moment où l’armée est très vigilante être acheminées de la Gambie à Kassolole ? C’est absurde, il faut méconnaître le terrain pour s’imaginer qu’une telle transaction puisse aisément se faire.

Il y a une chose qui m’intrigue dans cette histoire d’armement du MFDC. Abdou Elinkine l’un des leaders politiques de ce mouvement a eu à maintes reprises a déclaré haut et fort que c’est le Sénégal qui a armé le MFDC. En clair le MFDC a utilisé l’argent que leur versaient certaines autorités de l’époque dans le but de les corrompre pour s’acheter des armes. Jamais ce sujet n’a été débattu à fond.

Au finish pour ce qui concerne la question de l’armement du MFDC, on ne saurait s’y prononcer sans risque de raconter des contres vérités à travers de supputations tantôt à l’endroit de la Gambie, tantôt à celui de la Guinée Bissau. Ces deux pays limitrophes en fonction de la situation du moment sont tour à tour accusés d’armer le Maquis.

La Casamance qu’on le veuille ou pas occupe un certaine place stratégique au niveau des pays frontaliers au niveau sous régional d’où la nécessité de chercher à vite résoudre la crise qui y prévaut. Tant que la crise perdure en Casamance, il y aura des répercussions directes et indirectes sur les pays limitrophes tel que la Guinée Bissau, la Gambie.

Monsieur Basséne, vous n’allez pas nier qu’en 1998 les combattants s’étaient engagés dans la crise Bissau guinéenne aux côtés des mutins favorables à Ansoumane Mané. Un tel cas n’est-il pas envisageable en Gambie ?

A mon avis, vous venez de poser la vraie question car vous êtes parti d’un cas très précis pour faire une comparaison même si le cas de figure n’est pas le même. Selon mes recherches, les combattants se sont engagés dans la guerre aux côtés des mutins au moment où les loyalistes avec l’aide des forces armées du Sénégal commençaient à prendre le dessus sur les mutins. Ils se disaient que si Nino remporte la guerre, il va en guise de reconnaissance aider le Sénégal à les combattre . « L’ami de mon ennemi est mon ennemi » nous dit un adage. C’est donc par stratégie, par reflexe défensif qu’on est arrivé à une situation très regrettable où s’était les fils du Sénégal qui en réalité se battaient entre eux en Guinée Bissau en 1998.

C’est pourquoi, j’ai dit que tant que la crise en Casamance n’est pas définitivement résolue et de manière pacifique la Gambie et la Guinée Bissau ne connaitront jamais une réelle stabilité politique. Dans la même vaine toute intervention même salutaire du Sénégal dans un de ces pays voisins peut être très mal interprétée.

Mais pour ce qui concerne la crise gambienne, je crois que si intervention militaire doit y avoir ce ne sera pas le Sénégal, mais la CEDEAO. On peut donc ne pas vivre le même cas de figure qu’en Guinée Bissau.

Comment analysez-vous une intervention militaire de la CEDEAO en Gambie ?

Je ne le souhaite pas du tout. Seul quelqu’un qui ignore ce que c’est les conséquences d’une guerre peut être favorable à une telle option. Je crois que face au refus de Jammet de quitter le pouvoir il faut privilégier le dialogue. Qui dit dialogue parle d’un processus qui peut être long ou court.

Je pense qu’il faut que la CEDEAO tienne compte des populations civiles. On ne peut pas intervenir militairement sans faire des victimes en leur sein. On peut, certes connaître la date du déclenchement d’une guerre, mais jamais celle de sa fin. L’histoire a montré qu’il n’est pas aisé de combattre quelqu’un dans son propre pays même si à priori ce dernier semble plus faible que vous.

Aussi on ne peut non plus prévoir les conséquences d’un conflit à court et à long terme sur les populations civiles. Ne perdons pas de vue qu’en Gambie vit une très forte colonie sénégalaise et bissau guinéenne. Que deviendront ces concitoyens ? Vont-ils mourir au nom du rétablissement de la démocratie en Gambie ? Comment les populations de part et d’autre de la frontière vont-elles vivre cette guerre. Quel type de responsabilité ont-ils sur la décision de Jammeh de ne pas céder le pouvoir.

Voici entre autres raisons qui m’amènent à demander aux dirigeants de la CEDEAO de privilégier le dialogue, de ne pas faire de la fixation sur la date du 19 janvier 2017 comme étant celle où Jammeh doit passer le flambeau à Barrow. Une situation inédite s’est posée, il faut prendre le temps de la régler diplomatiquement.  Qu’ils essayent de la régler sans verser du sang et c’est la CEDEAO qui en sortira grandie.

Interview réalisée par Abdou Rahmane Diallo

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Commentaires (8)

  • Bapoulo

    Regardez ce lien sur les victimes en Casamance. Incroyable.
    http://casamance.tripod.com/disparus1.htm
    Je suis bouleversé.
    Il faut agir rapidemnt pour empêcher un tel drame en Gambie et en Casamance.

  • Assoukatene

    je souhaite à tous joyeuse fête de noël, merci pour tout

  • Uliwo

    JOYEUX NOEL!
    J’attends le nouveau livre de RCB. Est-il accessible à Dakar ? Qui a une Information?

    L’interview de RCB révèle des choses interessantes. pour ma part, soyons unis contre le SENEGAL c’est la seule solution.

  • alinou

    je profite pour souhaiter joyeux nöel à toutes nos familles Chrétienne et celles du monde entier.
    Merci G Boissy vous avez raison .
    Nous prions pour la paix dans le monde entier.
    Essamaye , Zeus et Tombon je partage votre avis mot á mot.
    Nous savons tous que déclarer une guerre c´est plus rapide que l´arrêter.
    Et quand on a un président aigri et rencunieux alors c´est grave et triste.

    NOUS avons des soucis bien fondés pour nos parents comme pour le peuple Gambien et NOUS prions DIEU qu´il NOUS épargne de la guerre , NOUS les
    2 GRANDS perdants dans ce cas , le peuple GAMBIEN et CASAMANÇAIS.

  • G.Boissy

    Je souhaite aux journalistes, les administrateurs et les commantateurs du Journal du Pays, à la Casamance et au monde entier joyeuse fête de Noël ! Prions pour la Paix dans le monde et en Casamance mais aussi à nos réfugiés et aux populations de la Gambie.
    Je constate que l’analyse de RCB frôle l’insouciance de l’actualité. Macky Sall a reçu le feu-vert de la Cédéao, de la France. C’est Dieu seul qui pourra maintenant l’arrêter. Prions, prions, prions…

  • Essamaye Bignona

    LA CASAMANCE doit s’attendre à la continuation de la guerre en GAMBIE. Combien de nos parents ont fui la guerre en CASAMANCE pour se réfugier en GAMBIE et maintenant c’est très compliqué. Il faut un choix soit vivre en paix soit mourrir.
    Capain, je pense que quelque Chose vous échappe, tous ces noms de personnes qui sont citées en relations avec Yahya Jammeh sont les membres de la milice de Diakaye qui ont fait fuir nos parents vers la GAMBIE et qui ont comploté avec l’aide du Sénégal pour renverser Yahya Jammeh. C’est honteux de nommer ces gens qui ont les mains de sang… La CASAMANCE n’oubliera pas.

  • Zeus

    En tout cas comme le soulignent les autres articles de JDP, tout est fin prêt pour que l’armée sénégalaise avec le soutien de la France envahissent la Gambie pas seulement pour la chasse de Yaya Diémé mais de tous les diolas

    • Tombon

      Exactement ZEUS ! Ils veulent faire la guerre aux Diolas: Envoyer les Diolas en première ligne contre les troupes de Jammeh, liquider tous les Diolas et ensuite s’attaquer à la Casamance. Il faut se défendre nous n’avons que la Casamance. Vive la Casamance libre et indépendante

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