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Casamance: Salif Sadio et Sant’Egidio vers une paix bricolée

Casamance: Salif Sadio et Sant’Egidio vers une paix bricolée

La communauté de Sant Egidio est parvenu à signer un accord de cessez le feu unilatéral avec Salif Sadio. Cependant l’expérience a montré que cette démarche qui consiste à ne négocier qu’avec un seul chef du maquis en ignorant royalement les autres factions combattantes et les autres composantes du MFDC en occurrence les ailes civiles et politiques intérieures et extérieures n’a jamais porté les résultats escomptés. D’où la conclusion de René Capain Bassène que Salif Sadio et Sant Egidio sont entrain de nous conduire vers une paix bricolée.

« Salif Sadio impose un cessez le feu à ses combattants » (sud quotidien ; 29 avril 2014), « Casamance: Salif Sadio dit observer un « cessez-le-feu unilatéral » (Sant’Egidio) (relief web 30 avril 2014)

« Casamance ; le chef rebelle Salif Sadio décrète un cessez le feu unilatéral » (Koaci.com ; 30 avril 2014),

« Casamance : Salif Sadio annonce un cessez le feu unilatéral » (seneweb.com  30 avril 2014)

Ces quelques extraits de titres d’organes de presses nationaux et internationaux sont à mon humble avis révélateurs de la « mauvaise qualité » de ce cessez le feu tant médiatisé  fruit de négociations entre Sant’Egidio et le chef rebelle Salif Sadio commandant et je tiens à le préciser d’une partie dite du front nord des cantonnements de Atika, aile militaire du MFDC.

Ce cessez le feu est-il signé ? Est-il décrété ? Est –il « imposé » à ses hommes où s’il est encore tout simplement tacite et que Salif se soit engagé à moralement « le respecter » ?

Quoi qu’il en soit et quelle que soit la manière dont ce cessez le feu est obtenu, Sant’Egidio à travers, non d’une déclaration, mais par le biais d’un communiqué cette fois-ci, publié le 30 avril dans son site s’est dit « satisfait du respect des accords signés à Rome »  avec bien sûr la délégation de Salif Sadio.  C’est quelque part à cause du caractère peu glorieux de ces accords inconnus du public que le communiqué n’a pas été remis à la presse nationale et que parallèlement il a été jugé de ne faire aucune déclaration ou un point de presse à ce sujet.

Dans l’interview de Salif Sadio diffusé par la radio Zig Fm de Ziguinchor, il  a  parlé  en substance et avec un brin d’ironie des autres factions du Mfdc en disant qu’ « elles se sont auto-exclues du processus parce qu’elles avaient accepté, par le passé, d’entrer dans le jeu de corruption du régime de Me Wade ». Il a conclut ce point en déclarant que « ce sont les mêmes qui avaient rejeté sa proposition de négociations à Rome et cela avec la complicité de certains cadres casamançais ».

Je pose la question de savoir si à son tour, il n’est pas entrain de faire la même chose. Sous le régime de Wade c’est « les autres » qui ont accepté de façon unilatérale de déposer les armes et de négocier, sous celui de Maky  Sall, il est le tout premier a « décréter un cessez le feu unilatéral » et  à ouvrir des négociations pour un retour de la paix en Casamance.

Il peut ne pas être corrompu ; mais dans ce contexte précis, si corrompu équivaut à traiter avec les autorités sénégalaises, je dirai que lui Salif Sadio est à son tour aussi corrompu que les « autres ». Qu’il nous dise comment sa délégation parvient –elle à voyager à Rome ? Est-ce lui qui les a trouvé les passeports ? Lui Salif Sadio qui a pris en charge les frais de voyage et d’hébergement ? Etc.…

Car si ce sont les autorités sénégalaises ou Sant’Egidio qui ont chacun géré l’un et l’autre de ces aspects, alors Salif est bel et bien corrompu puisque corrompu selon lui équivaut a être soutenu par quelqu’un d’autres dans le cadre des démarches relatives à la recherche de la paix tout en sachant que le MFDC n’a pas les moyens financiers et logistiques de se prendre en charge par rapport à certains aspects liés à la recherche de la paix.

Salif Sadio, dans ce même entretien a fait comprendre à tout le monde qu’il est « le seul interlocuteur valable et reconnu par le président Maky Sall »… et laisse glisser une tentative de chantage en disant que « si jamais l’Etat traîne les pieds et que si les négociations échouent, il fera recours aux armes, car la guerre est le plus court chemin pour aller à l’indépendance ».

Salif Sadio en bon stratège souffle le chaud et le froid. N’est–il pas une habile manière de ramener tout autour de sa personne ? Salif à lui seul peut –il faire revenir la paix en Casamance ? N’est–il pas une grosse prétention de sa part de vouloir seul négocier le destin de la Casamance ? En est–il réellement capable  si on sait encore une fois qu’il ne contrôle pas plus que les 5% du maquis ?

Dans un passé récent, César Atoute Badiate, alors qu’il était tout puissant chef (il n’existait pas encore la faction dirigé par Ibrahima Compass Diatta et celle de Ansoumana Lamarana Sambou)   avait décidé de déposer les armes et avait  signé des accords de paix avec le régime de Maître Abdoulaye Wade. Mais toutes ces démarches n’ont pas eu d’effet par le seul fait du refus par Salif Sadio de s’inscrire dans cette dynamique de négociations.

Salif dans son interview a dit « que les autres sont des « sénégalais » et ont cessé militairement de combattre pour l’indépendance depuis 2000, et qu’il reste donc celui qui continue à incarner le vrai combat en citant pour exemple l’attaque du village de Kabeumb en décembre 2011 à la suite de laquelle ses hommes ont pris en otages des soldats de l’armée sénégalaise ». Du coté de César, ils déclarent que c’est par respect aux accords qu’ils ont signés que ont décidé de plus parler par les armes.

Comment peut –il avec Sant Egidio faire croire aux sénégalais que la paix ne peut passer que sa personne au même moment où il « dément toute tentative de rapprochement ou de réconciliation avec César Atout Badiate », l’autre chef rebelle qui ne contrôle pas uniquement que le front sud, mais dont l’influence s’étend de l’Est à l’Ouest, jusqu’au front nord avec un cantonnement voisin de celui de Salif Sadio sous les ordres du commandant Paul Aloukassine Sagna.

Comment Sant’Egidio peut–il  négocier avec uniquement la plus petite faction et autour d’une seule personne Salif Sadio qui incarne à la fois, le rôle de Secrétaire général, celui de Chef d’ Etat major et de branche politique et civile intérieure et extérieure et prétendre arriver à une paix définitive en Casamance ?

Salif  qui n’a rejoint le maquis qu’en 1986, cherche à tromper l’opinion en se présentant comme étant celui qui incarne le vrai MFDC, le seul capable de négocier en excluant tous les autres acteurs (factions combattantes du MFDC, aile civile et politique intérieure et extérieurs, la société civile, les autorités coutumières et religieuses etc…). En un mot tout passe obligatoirement par lui et que rien ne peut se faire sans lui pour ce qui concerne le retour  d’une paix définitive en Casamance.

Pour ma part, je crois qu’il est temps de savoir tirer les conséquences des mauvaises pratiques du passées. Le retour de la paix en Casamance ne peut résulter de la volonté d’une seule personne. Salif Sadio en son temps était le seul commandant qui avait refusé de prendre contact avec les émissaires d’Abdoulaye Wade et cela a suffit pour tout faire échouer. De nos jours il est le seul (avec son petit groupe comparé à celui de César) à entreprendre des négociations unilatérales…qu’en adviendra-t-il si les autres lui rendent la monnaie ?

Salif Sadio est un chef autoproclamé…c’est en partie une des explications de la guerre intra Atika de 2000 à 2006. Il n’est pas reconnu par le MFDC dans toutes ses autres factions combattantes, civiles et politiques comme le chef d’état major encore moins secrétaire et autres représentant de l’aile politique. Ce qui me fait dire que ces négociations que sont entrain de mener Sant’Egidio ne seront pas durables.

Je crois qu’il serait souhaitable pour l’Etat de trouver une nouvelle approche afin d’entrer en contact avec toutes les factions du MFDC dans son ensemble afin de pouvoir arriver à la table de négociations et d’aboutir à des accords fiables. Cela n’est pas impossible car de nos jours à l’image de Salif Sadio, aucune des  factions du mouvement n’est opposée au dialogue.

Salif Sadio doit accepter de s’ouvrir aux « autres » s’il veut réellement le retour de la paix car il n’incarne pas à lui seul le MFDC et Sant Egidio devrait éviter de renforcer la division au sein de l’aile combattante du MFDC en optant de travailler avec un seul groupe.

Cette communauté que je respecte beaucoup doit comprendre qu’un cessez le feu unilatéral, une négociation menée avec une seule faction militaire ne résout absolument rien. Je les croyais assez suffisamment expérimentés en gestion des conflits et qu’ils auraient procédé par un diagnostic des démarches et résultats antérieurs ce qui aurait pu les éviter de s’engager dans ce genre de démarche infructueuse car une paix, elle est totale et non partielle.  Elle ne se décrète pas non plus.

Je termine en disant  que la crise casamançais comporte des aspects multiples avec un « dedans », un « dehors », un ou plusieurs « à cotés » , un « en haut »,un « en bas », un « a gauche et un « à droite » tellement si bien imbriqués les uns dans les autres qu’il serait trop prétentieux pour tout acteur (combattants, membre de l’aile politique et civile du MFDC, acteur dans la recherche de la paix etc…) de les maitriser tous.

Salif Sadio à lui seul ne peut être  la solution au retour de la paix. Il ne peut à lui seul négocier du devenir de la Casamance. Soyons plus conséquents car ne voulons plus d’une paix bricolée.

René Capain Bassène, journaliste, observateur de la crise en Casamance et auteur du 1er livre Sur l’abbé Augustin Diamacoune Senghor

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Commentaires (3)

  • kabetene

    A mon avis la communauté Sant Egidio fait de la récupération. La position de Salif Sadio n’est pas le fruit d’un accord négocié à Rome. Depuis plusieurs mois Salif Sadio a dit qu’il ne prendrait plus l’initiative de la violence et des armes, sauf pour se défendre en cas d’attaque; il a répété cette position le 8 janvier dernier devant ses sympathisants. Ce qui est nouveau, c’est qu’il vient de donner une interview à Ibrahima Gassama de Zig FM où il réitère sa position

  • alfonsedelatroncheenbiere

    Si je ne m’abuse les Général Giap a vaincu les Français et les Américains sur le terrain et Hochimine négociait la rédition des ennemis sur le plan diplomatique.
    La Casamance c’est le désordre tout les monde combat avec sa langue et personne ne donnent de résultats probant, à par le front Sud qui est plus structuré.
    Vous voulez l’indépendance, suivez l’exemple d’autre mouvement qui ont réussit.

    La révolution se fait grâce à l’homme, mais l’homme doit forger jour après jour son esprit révolutionnaire.

  • SinkurBadin

    J’ai l’impression que c’est une bataille de chefferie et de « Moi » au lieu de mobiliser les citoyens sur l’essentiel c’est à dire l’unité du mouvement et l’indépendance de la Casamance. Après les N’krumah Sane, Jean M.Biaqui, Ansoumana Badji, voila que Salif Sadio installé dans le maquis depuis moins de 30 ans sans contact avec le peuple veut s’arroger le pouvoir de parler au nom du peuple en tant que secrétaire général du MFDC et chef d’Etat Major, alors que ses actions et attitudes constituent en fait des tentatives d’abus de confiance et de détournement de la volonté populaire. Plus grave, il doit se prononcer face à la Casamance aux assassinats de Lansana Gorgui Diatta, Vieux Faye, Léopold Tendeng, Laurent Diamacoune et tant d’autres.

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