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Casamance: Contribution-Réponse (2) du Dr. Ahmed Apakena Diémé: Allusions, amalgames et méprises de Monsieur Sène du PIT

Casamance: Contribution-Réponse (2) du Dr. Ahmed Apakena Diémé: Allusions, amalgames et méprises de Monsieur Sène du PIT

3°) Le salafisme imparable : changement de schéma d’analyse et érection de rempart :

Pour le sujet du Salafisme, l’ancien réflexe revient : le Sénégal est un pays de paix ; la paix qui nous fait vivre grâce aux investissements des occidentaux, car la seule source d’exportation est votre démocratie. Ce reflexe vous a même entrainé à laisser filer un terroriste mauritanien du Nord du Sénégal en Guinée Bissau du temps où Abdoulaye Baldé fut ministre de la défense, en bon casamanqué. En le laissant filer vers la Guinée Bissau, le Sénégal et Baldé l’avait tenté, cherchait à nous salir aux yeux des Occidentaux qui pouvait confondre Mfdc et terrorisme.

Monsieur Sène comment comprenez-vous les visites périodiques aux chefs confrériques sénégalais par les ambassadeurs français et américains ? Comment expliquez-vous l’injonction faite par la France à son pré carré pour aller soutenir « l’animal » Serval qui pisse 50 fois pour délimiter son territoire ? (c’est cela le sens de Serval) Comment expliquez-vous les tentatives des confréries sénégalaises proches des Haussa dans la recherche de solution au conflit sévissant dans les Etats du Nord Nigeria appliquant depuis plus d’une décennie la Charia ?

Je croyais que vous alliez vous féliciter du secours des occidentaux face à la déferlante encore vivace du Salafisme dans le Sahel et reconnaitre par là même, (et c’est le cas) que les armées francophones, n’ayant jamais fait de guerre de libération à part certaines comme le Cameroun, leurs armées sont celles de la paix pas de la guerre), les salafistes ne pouvaient qu’avec quelques pick-up traverser le Nord puis le centre du Mali.

L’histoire ne se répète certes pas mais comme l’a dit Nietzsche, elle bégaie. A titre d’illustration de ce bégayement, après voir barré militairement la route aux salafistes en majorité magrébins, elle déploie actuellement son dispositif culturel en s’appuyant sur le Maroc pour former des imams, en vue de restaurer dans le Sahel l’islam Malékite voire soufi.

Elle repart chez son allié Marocain pour réinjecter du soufisme. Et face à ce double dispositif militaro culturel, les salafistes qui aiment les symboles mettent en place Al Mourabitou, du nom de l’ancien mouvement islamique qui a introduit l’islam chez les négros africains de cette bande sahélo saharienne. Il y a des siècles, ce sont justement les Almourabitoun qui furent stoppés dans le Sahel par le déploiement impérialiste français. Qu’est-ce qu’elle se répète !

Il est vrai que le Sahel représente aux yeux des occidentaux la zone tampon entre le Maghreb tendant sentimentalement plus vers l’Occident, la réserve en toutes sortes de ressources minérales et fossiles, le point d’équilibre et de déséquilibre climatique, la réserve de l’alternative énergétique consistant en l’énergie renouvelable dont l’Allemagne est championne, etc. Toute puissance, manifesterait naturellement un fort gout pour le contrôle de ces ressources et des flux migratoires.

On retrouve les mêmes visées d’antan. Il est certes intéressant de les dénoncer, mais cela devient fatiguant sans une autre approche : au-delà de la souveraineté politique qui manque, le secret de la libération de l’Afrique réside dans ce qui fait justement la puissance de l’Occident : à savoir la maitrise de la science et de la technique en vue de la maitrise de la matière, l’indépendance monétaire( et votre pays en a tant besoin), la création de richesses par le travail, la transformation infrastructurelle dans le domaine industriel, puis de connecter le secteur primaire à la machine de production.

Pour nous autres africains, tant que les paysans constituant plus de 70% de la force productive ne sont pas salariés, ne disposent pas de mécanismes financiers ni d’équipement agricoles, ne sont pas valorisés, aucun départ décisif en direction du développement ne pourrait s’amorcer.

Mais il y a un problème de recentrage factuel et analytique de ce qu’est le Salafisme en Afrique à dominante musulmane. Au Nord Mali, c’est certes les Occidentaux qui ont décapité le régime de Kadhafi de manière inconséquente, dans les printemps arabes ce sont certes les Occidentaux qui ont encouragé les insurrections citoyennes, mais dont les logiques bénéficiaires devaient être les historiques opposants islamistes.

Mais la présence salafistes pour le Nord Mali fut le résultat de la pression militaire du Général Lamari sur le GSPC qui a trouvé une arrière base dont le premier objectif fut de reconstituer des forces contre Alger. C’est aussi lié aux accointances arabo islamiques entre ATT et son grand financier Kadhafi. Tombouctou Gao ont été pendant longtemps le principal lieu d’une économie parallèle, du laxisme envers l’affairisme arabo islamiste.

Il y avait dans le Nord Mali un mélange entre l’affairisme touarego libyen, le laxisme d’ATT au nom de la paix, touarego islamiste et l’islamisme venu de la Mauritanie et de l’Algérie. Sur place, des années auparavant, le Wahhabisme venu d’Arabie saoudite avait élu domicile dans les associations dans les écoles coraniques, etc. Le tout couronné par le mouvement Daawa, encore actif dans presque tous les pays du Sahel. Daawa est le versant africain du prosélytisme pakistanais et afghan sur les régions d’Afrique à majorité ou forte présence musulmane.

Iyad Ag Ali et les salafiste dirigés par Amadou Koufa le peulh salafiste du centre du Mali qui attaque et Bamako et sa partie Sud, appartiennent idéologiquement au mouvement Daawa. J’espère que les africains ne feront encore pas de déni sur la naissance du négro salafisme. Ce ne sont plus les arabes ou les magrébins qui introduisent ce nouvel islam dans le Sahel, mais les autochtones de cette région.

Ce phénomène du wahhâbisme, on le rencontre aussi bien au Sénégal qu’au Niger, au Tchad qu’au Nord Nigeria, et de plus en plus dans les zones d’équilibre démographico religieux comme la Cote d’ivoire, le Burkina. Là justement le prosélytisme prend tout son sens et sa vigueur, parce que simplement les monothéismes abrahamiques ont toujours été dans des relations de conquêtes dans le monde. Il faut répandre la bonne parole an historique, dogmatique et holistique.

4°) Le salafisme versus l’islam soufi ou des Tarika, vieux syncrétisme allié de la France :

Aujourd’hui, dans le Sahel musulman, on n’a affaire pas seulement aux délires et infamies de Abubakar Shekau, aux bêtises du Mujao devenu dans son alliance avec Moctar Bel Moctar El Mourabitin, qui saccage l’art et la culture. Ce,  au nom du monothéisme judéo islamique contre l’image. Pour les monothéistes notamment judéo islamiques, l’image et ou la représentation sont des risques de la fin de l’abstraction du divin. On a aussi certes affaire à des décapitations et massacres selon (et on ne le dit pas assez) le droit de la guerre version salafiste).

On assiste certes à des archaïsmes qui se nourrissent pourtant de la modernité (Georges Balandier serait content de voir ça, car il définit la modernité de façon originale, en mélangeant passé et présent dans une dynamique de crises).

Certes les salafistes sont, par là même, techno mondialisés. Ils recourent aux moyens sophistiqués de communication et en regroupant comme le fait l’EI en Syrie et en Irak, certains ingénieurs et techniciens, ils planifient des moyens militaires de destruction massive.

Mais je pense qu’il s’agit d’un nouvel Islam. Celui qui s’oppose aux confréries et aux Cheikh, qui s’oppose aux familles maraboutiques, bref au soufisme. Lequel soufisme a quelque chose à avoir, par exemple, avec l’islam Malékite (allié de la France dans la domination des noirs, y compris en Casamance, où la Tidiania des chérifs fut un allié de l’économie arachidière extravertie à laquelle Alin Sitoe Diatta voulait opposer l’économie vivrière de la souveraineté) ainsi qu’avec l’administration endo-coloniale.

Il est fortement politisé, imprégné des grands enjeux géostratégiques du proche Orient, inscrit dans « la guerre des religions », car les monothéismes comme formes politiques n’ont jamais cessé et ne cesseront jamais d’être en guerre. Du moins tant que la lutte pour la vérité absolue ne prendra pas fin.

Ce nouvel Islam est pourtant très « républicain » sur un seul point, à savoir la fin des féodalités soufies par exemple ou Malékite ou même monarchistes des Sauoud. Derrière la lutte contre les féodalismes politico religieux ou soufis, le salafisme s’oppose, en vérité, à des conservatismes.

Pour le cas du Sénégal, le modèle islamo wolof dont parle l’historien Mamadou Diouf est une sorte de collision entre le conservatisme confrérique et les élites dites modernes et laïques dans l’exercice du pouvoir non formel ou de l’implantation de l’Etat. Dans ce système les casamançais sont exclus de fait. Du coup, dans l’aventure nationale, dans le vivre-ensemble les paradigmes politico culturels ne correspondant pas à leurs traditions et leur égalitarisme politique, ils rêvent d’un autre Etat-nation.

Le salafisme notamment du Nord Nigeria s’oppose à un système de verrouillage des mécanismes de redistribution des ressources, du jeu politique caractérisé par une espèce « d’inceste » car pour garder le pouvoir et contrôler la circulation des ressources au Nord Nigeria les familles des Sultans des sénateurs, des gouverneurs etc. se marient entre eux, constituent des forces de conservation, des puissances de corruption, etc.

Si elles ont été formées à l’école occidentale pour agir ainsi, alors, Boko Haram comme expression, comme une sorte de slogan haussa (signifiant l’école occidentale est u péché), a tout son sens. De même, au commencement et fondamentalement, ce fut une bataille théorique interne à l’islam lui-même ; entre des tenants du salafisme qui veut dire les originels, les fidèles à la Sunna de Mohamed et donc du purisme islamique (Mohamed Yusuf et Cheikh Jafar). La principale cible idéologique du salafisme au Nord Nigeria, c’est le Bidda. Or bien des pratiques des Tarika sont effectivement des Bidda, y compris le Maouloud pour ne citer que ça. Ikamatoul Sunna wa Izalatoul Bidda. Là est tout l’antagonisme entre le nouvel Islam et celui auquel les noirs musulmans sont jusqu’ici habitués.

Au Mali, la matérialisation de la rupture fut la destruction des mausolées, où furent enterrées les figures de l’islam soufi ou des tarika dans le Sahel ou encore Malékite. Au Sénégal, vu les réactions récurrentes sans même écouter les salafistes qu’on arrête, on sait qu’il s’agit d’une remise en cause des tenants de l’islam des tarika, notamment celui qui idolâtre les marabouts. Je parie qu’il y aura sous peu un affrontement idéologique entre les branches des familles maraboutiques aspirant au pouvoir central (Modou Kara et Mouchtarchidine ou encore le petit fils d’Abdoulaye Niasse, etc.) et les salafistes minoritaires, mais agissants et attrayants, connectés à une sorte d’internationale salafiste.

Au Sénégal où on se targue de stabilité reposant sur l’alliance entre système confrérique et les élites étatiques, il y a pourtant quelques faits troublants : l’Etat du Sénégal, de par ses courbettes et génuflexions dans les résidences de leurs marabouts, vise les électorats majoritaires et puissants, verrouillant ainsi les jeux de distribution et de contrôle des pouvoirs – les marabouts ont reproduit le système de nobles et d’esclaves qu’on trouve en société wolof (car le marabout l’est à vie, pendant que le Talibé le reste aussi à vie, dans les confrérie nul ne peut sauf le Marabout donner la leçon, donner la directive, et assujettir les Talibé)

– la centralité du savoir et de l’ordre sont sous le contrôle du marabout qui, par son Ndiguel, fait pivoter le discours religieux autour de lui et sa centralité se renforce

– l’Etat n’a aucun pouvoir fiscal sur les Adiya versés sous forme d’impôts traditionnels d’une féodalité figée ; lui-même en verse aux marabouts. Quel scandale ! Pire, tous les flux financiers dans les capitales confrériques échappent à l’Etat Sénégalais. Un digne fils de Casamance ne peut pas, déjà structurellement parlant, supporter un tel système.

Face à l’opposition du Prophète Mouhamed aux formes de féodalités conservatrices en Arabie, à la suppression des instances interprétatives dans la connaissance religieuse, les soufis ou les Tarika sont des producteurs de Bidda, qui en fait, les arrangent dans leur pouvoir symbolique, dans leurs alliances d’intérêts matériels avec les politiques. Comment ne pas avoir donc des motifs de nouvelles luttes politico religieuses dans les sociétés musulmanes du Sahel ?

De même, par la guerre qu’ils mènent et par le purisme idéologique et théologique, les premiers ennemis des salafistes sont les musulmans eux-mêmes. Car, la question de fond tient à la polysémie du Texte prêtant à une floraison d’interprétations ; et par conséquent, aux plages de « dérives et délires » qui se déroulent sous nos yeux. C’est aussi quelle codification des interprétations faut-il mettre en place dans une opération mondiale de critique et de modernisation interne de l’Islam ? Quand je parle de critique, c’est au sens de travail intellectuels de débats ouverts, etc.

(Dernière partie dans notre prochaine édition

Dr. Ahmed Apakena Diémé, Consultant indépendant, Directeur de SASCOM

(Sahel Stratégie Communication), membre du Cercle des Intellectuels et Universitaires du Mfdc. Allemagne

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